vendredi 1 avril 2016

Calimero et le jour des papas d'après Candice Corbeel




Il existe dans les albums jeunesse des pépites même dans des collections où personne n'irait en chercher. Prenez Calimero, vieille série télévisée italienne des années 70, reprise par la Gaumont en 2013 qui a relancé la publication de petits albums à prix modiques vendus en super marché... Figurez-vous, qu'au milieu de tout un fatras de titres divers et guère originaux, une perle s'est glissée : "Calimero et le jour des papas "!
Dès la première illustration, le décor est planté. Nous sommes dans une chambre. Calimero, rejeté par sa famille ( je vous fais grâce de son passé d'enfant brimé, noirci par la boue dans laquelle il s'est roulé à la naissance mais aussi par celle qui encombre le cerveau de ses parents) y vit avec ses amis, deux garçons et une fille. La cohabitation se passe bien, une certaine communauté d'esprit y règne. Bien qu'éloignés de leurs parents, ils leur arrivent, lorsque certaines fêtes commerciales braillent leur complainte mercantile, de penser un peu à eux. Priscilla, celle qui a le coeur le plus tendre, sans doute parce que c'est une fille ( l'album n'évite pas certains clichés mais pour mieux en détourner d'autres ), a fabriqué en pâte à sel, les deux danseurs de la comédie musicale préférée de son papa. Arrêtons-nous un instant sur ce cadeau et donc sur les goûts du père. Non, il n'est pas supporter du PSG, non, il ne jogge pas au bois de Boulogne, non il ne fume pas comme un cow-boy américain, non, il ne frime pas en jean slim rouge et moulant, il est simplement amateur de music-hall et de pièces chorégraphiées et chantées. Dès cette première page, notre esprit est titillé devant ces clichés laissés de côté, devant cette figure paternelle décomplexée et donc plus complexe.
S'ensuit, l'inévitable coup de malchance inhérent à la série. Calimero va casser la statuette et lui faire donc dire la phrase célèbre : " C'est vraiment trop injuste..." (Vous noterez au passage que, depuis son émancipation en presque grand garçon, Calimero a suivi quelques séances d'orthophonie, lui ôtant ce zézaiement qui n'est finalement gracieux que dans la petite enfance ou dans la bouche de starlettes destinées à des productions soi-disant sexys ).
A partir de ce moment, l'histoire est bel et bien lancée. Calimero pour réparer sa bêtise va trouver l'excellente idée de présenter au papa de Priscilla, un vrai numéro de comédie musicale qu'ils prépareront seuls dans un moulin ( hommage discret à Claude François). Pendant que les copains se débrouillent pour louer un théâtre ( l'image est sans ambiguïté, c'est en vendant leurs charmes sur le trottoir qu'ils vont rassembler la somme pour payer la location), Priscilla, sous les yeux énamourés de Calimero, met au point un numéro qu'elle présentera en solo. La salle réservée, la représentation,  annoncée avec force flyers, est bien sûr un triomphe. Le papa tout content de sa fifille monte sur la scène. Cette dernière profite de son succès pour saluer avec emphase tous les papas présents....
Cet album, dont les illustrations font jeu égal avec le texte, est un véritable roman d'apprentissage à l'usage des petits. Oui, on peut être comme Calimero, avoir vécu une enfance difficile et pourtant parvenir à une vie d'adulte satisfaisante. Même si pour le petit poussin la résilience est en cours, l'histoire proposée a le mérite d'être en phase avec le monde d'aujourd'hui. Etre jeune adulte sous entend parfois la colocation ( avec partage de soucis, de fluides et d'intérêts) mais aussi la confrontation avec la vie d'aujourd'hui qui les pousse parfois à vendre leurs corps pour parvenir ( barrez ou pas les mentions inutiles) à boucler les fins de mois ou accéder à quelques désirs. Le récit arrive à ne rien nous épargner de cette sombre réalité tout en gardant une incroyable gaieté et en côtoyant une imagerie colorée et attrayante.
Je comprendrai qu'en tant que parents responsables vous hésitiez à mettre entre les mains de votre descendance un tel opuscule si naturaliste et somme toute peut être dérangeant. Sachez quand même que le message est en filigrane et que si imprégnation il doit y avoir, elle ne peut qu'être subliminale... Vous pouvez donc, sans crainte, laisser vos enfants feuilleter cet ouvrage, car, il serait étonnant que celui-ci soit raconté de multiples fois ....
Je remercie C. D. de m'avoir fait découvrir cet album.  Que ce petit billet soit un témoignage de mon amitié...

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