jeudi 21 avril 2016

Le fils de Joseph de Eugène Green



Visionner " Le fils de Joseph" est une expérience qui mérite d'être tentée. C'est un cinéma que l'on pourrait qualifier d'excentrique et, rien que pour cela, dans une industrie qui formate beaucoup, il est agréable que quelques uns tentent la marginalité.
Le film démarre par une scène située dans une cave où trois ados s'amusent à torturer un rat. L'un d'eux, trouvant le jeu débile, préfère s'en aller. Déjà, en tant que spectateur, on commence à trouver que les deux jeunes acteurs qui jouent de l'aiguille à tricoter sont moyennement crédibles. Mais quand la caméra suit le fuyard et que celui-ci s'arrête pour converser avec un copain, le fou-rire m'a pris en même temps qu'une certaine inquiétude. Les acteurs, piqués plantés face à face, débitent sans l'ombre d'une intonation, comme une récitation apprise par coeur sans rien comprendre, un dialogue du genre :
-Salut, ça va ?
-Oui, et toi ?
-Ca va! Tu vas z où ? (oui, toutes les liaisons, même celles qui ne se prononcent pas seront faites durant tout le film !)
-Je rentre chez moi. Et toi ?

Tout le film sera de cet acabit, filmé dans des décors épurés et peu crédibles et enchaînant des situations tout aussi improbables. Bien sûr, il y a une histoire de fils qui cherche à retrouver son père, le tout mêlé à un prêchi-prêcha  biblique autour de Marie et Joseph et le sacrifice d'Abraham. Elle arrive à tenir la route mais uniquement parce qu'il faut bien se raccrocher à quelque chose. Ici, on se contente de peu, surtout qu'en toile de fond on trouve une satyre du milieu de la littérature et des bobos, qui se veut virulente mais qui n'accumule que les clichés les plus lourdingues. On oscille entre l'incrédulité et le rire moqueur. On est consterné par des blagues genre almanach Vermot que débite, toujours sans l'ombre d'une intonation, le jeune héros ( - Qu'est-ce qu'un naturiste révolutionnaire ? Réponse : un sans culotte ! On est prié de rire s'il vous plaît !). Les oreilles sont constamment sollicitées par des phrases énoncées ainsi :
" - C'est le seul endroit t où j'ai été heureux.
-  Mon enfant t est né.
- C'est t où ici ?
- Laurent t a été malade. "
Et pourtant, au fil des minutes, je ne sais ce qu'il s'est passé, mais cette volonté farouche d'être décalé finit par faire son effet et, bien que Mathieu Amalric et Natacha Régnier aient un peu de mal à adopter le ton plat des autres acteurs, le film se laisse regarder sans trop de déplaisir comme si cette accumulation de clichés, de balourdises, de faussetés, créait un ensemble aussi cocasse que curieux, aussi insolite qu'insolent.
Ce n'est évidemment pas le chef-d'oeuvre du mois mais sans nul doute une curiosité que tous les amateurs de bizarre ou de farfelu apprécieront sans doute. Et pour moi qui avait lu la rentrée dernière " L'inconstance des démons", dernier roman d'Eugène Green, je peux sans conteste dire qu'il est meilleur cinéaste que romancier. Mais vous êtes prévenus, c'est un cinéma radical et singulier que vous découvrirez ! ( Ce que la bande annonce, bien faite, ne laisse pas vraiment présager).



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