Les enfants, c'est bien connu, connaissent des moments où être désagréables semble une seconde nature. Odile, la petite fille grincheuse du nouvel album de Marie Dorléans, ne connaît pas sa chance. Son perpétuel état ronchon qui pourrait faire regretter à tout parent normalement constitué ce moment de douce folie qu'a été sa conception, n'arrive pas à les faire sortir de leurs gonds. Là où d'autres auraient montré leur capacité à être sévères, tyranniques, hurleurs, menaçants, eux préfèrent essayer une méthode plus pédagogique en emmenant cette affreuse petite fille au musée zoologique, histoire de la distraire et de lui faire passer un instant ses sempiternels caprices. Au milieu des animaux, la pestouille gambade à son gré, laissant ainsi un temps de répit au couple aux apparences si stoïques. Oui, mais l'affreuse Odile trouve ces animaux bien quelconques. Même le crocodile la laisse de marbre, bien peu impressionnant ! Mais quand celle-ci s'avise de le taquiner un peu en lui chatouillant le museau avec les franges de son écharpe, une chose impensable se produit, l'animal soi-disant empaillé, avale la pauvre enfant ! L'animal croque Odile ! ( Admirez au passage le jeu de mots, aussi célèbre dans l'univers de la petite enfance que l'inoxydable "Souris verte" ).
L'album soudain bascule dans un absurde souvent utilisé en littérature jeunesse : avalé n'est pas croqué. Vivant dans le ventre de l'animal pourvu d'un délicieux garde-manger composé de confitures et de cornichons, la jeune Odile va goûter à la tranquillité d'une vie sans parents, sans obligation d'obéissance, de rangement, de politesse. A l'extérieur, le monde des adultes organise en vain des secours...
Dans le monde de Marie Dorléans, la première chose que l'on remarque c'est cette ambiance délicieusement surannée créée par les illustrations très " ligne claire", un peu raides. Ici, c'est souligné par le propos un peu vieillot de cette histoire, qui ne brille pas spécialement par l'originalité. Et pourtant, l'album fonctionne bien, en grande partie grâce à ce décalage énorme entre une illustration très très sage et l'absurdité assumée du récit. Cette enveloppe classique plaît assurément aux enfants ( il n' y a pas pire conservateurs que le jeune public...) surtout qu'elle déploie en sous-texte une petite morale rassurante, tout à fait en accord avec l'ensemble. La fin de l'album nous offre une note un peu plus troublante, ouvrant la porte à une suite à inventer... l'imaginaire s'invitant subtilement dans un album aux apparences si rassurantes.
Plaira à toutes les Marie-Léopoldine, les Sixtine ou les Léon-Hugues à partir de trois ans. Pour les Dylan, Steffie ou Mary-Nabila, je ne sais... mais gageons que le pouvoir des crocodiles est toujours aussi grand auprès des enfants !
Merci aux éditions Seuil Jeunesse et au site BABELIO pour la lecture de cet album.
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