Sans connivence
Journal subjectif de mes errances culturelles.
mercredi 10 juillet 2024
mercredi 15 mars 2023
Indocile de Dana Spiotta
Le projet de Dana Spiotta est de dresser le portrait féministe d’une femme qui ne veut plus être mise à l’écart parce que ménopausée. Elle a envie d’une nouvelle vie et s’en donne les moyens en quittant un mari pourtant assez sympathique et même encore amoureux.
Très vite, on comprend que tout cela n’est qu’un prétexte pour décrire surtout les maux d’une ville américaine moyenne ( Ici Syracuse dans l’état de New-York) : les quartiers laissés à l’abandon mais dont la gentrification progressive pousse petit à petit les zones de violence un peu plus loin, l’insécurité, les violences policières surtout sur les populations noires, mais aussi des thèmes plus marginaux ses musées poussiéreux aux contenus douteux ou la lente progression du wokisme qui met en ébullition les têtes de ses nouvelles amies féministes.
L’histoire personnelle de Samantha, l’héroïne, n’a pas un intérêt particulier, voguant gentiment vers une fin un peu sirupeuse. Les autres nombreux éléments plus politiques ou sociologiques tombent parfois un peu à plat et ne s’intègrent pas trop bien au récit. Dana Spiotta essaie d’alléger tout cela avec une vague note d’humour et quelques observations pas trop mal vues mais n’arrive pas à rendre l’ensemble vraiment cohérent ni même passionnant.
Histoire des préjugés sous la direction de Jeanne Guérout et Xavier Mauduit
Dans cette époque ou les fake-news s’associent aux préjugés pour continuer à diviser une humanité qui devrait plutôt s’unir pour mieux vivre, se poser quelques heures pour la lecture de cette passionnante compilation d’opinions préconçues, leurs origines et leur permanence au fil du temps, est un vrai moment de plaisir ( oui, bien plus que de la littérature feel-good qui n’est qu’un shoot de sucrerie).
Lire les nombreux historiens, spécialistes divers qui se sont penchés sur des affirmations aussi variées que “ Un homme ça ne pleure pas “ ou “ Les noirs sentent fort et les blancs sentent la mort” ( prises au hasard parmi les 56 préjugés traités), c’est faire une plongée saisissante sur comment les hommes, aidés souvent par des scientifiques, des politiques, des religieux, ont pu s’approprier de fausses idées et comment, souvent par bêtise, ignorance, manque d’instruction, elles ont perduré et divisé les hommes. Les préjugés, véhiculant la plupart du temps un racisme rampant ( de la femme aux juifs en passant par les roux ou les chinois), ont ainsi, au fil des siècles ou des décennies, irrigué sournoisement certaines pensées et se sont ainsi ancrées dans bien des esprits. Nous avons confirmation que l’Histoire a été triturée de façon à complaire à une époque ou à satisfaire quelques idéologies douteuses ( on n’en est pas étonné).
Au gré de sa fantaisie, de ses envies, le lecteur peut papillonner à l’intérieur de cet essai, qui se compose de chapitres pas trop longs. Le seul petit bémol est que, comme ils sont rédigés par différents spécialistes, certains sont plus attrayants que d’autres, tout le monde n’ayant pas la même faculté de vulgarisation ni la même verve.
mardi 28 février 2023
Les manquants de Marie-Eve Lacasse
Ce récit à trois voix, au fur et à mesure de sa lecture ne manque pas de surprendre. Au départ, un mari disparaît sans laisser de trace et son épouse nous raconte son attente. On se doute que l'on va replonger dans un passé explicatif. Sauf que Marie-Eve Lacasse a d'autres idées derrière la tête. Avec habileté, elle joue avec l'interrogation du lecteur qui va, classiquement, chercher à savoir où a bien pu passer le mari mais tout de suite installer une atmosphère particulière. Mais à qui parlent donc Claire ( la femme délaissée) et ses deux amies ? On le saura assez vite mais pas de façon à répondre pleinement à notre questionnement surtout que vient se greffer un endroit, la Commune, qui continue à entretenir un certain mystère qui va même en s'épaississant à mesure que les personnalités des trois femmes se révèlent.
samedi 25 février 2023
The Fabelmans de Steven Spielberg
Maintenant que les critiques ne font guère remplir les salles quand ils s'enflamment pour des films difficiles et profonds, leur nouveau petit pouvoir est celui de faire courir les spectateurs voir les grosses productions de réalisateurs connus qui ont essuyé des échecs cuisants aux USA. Nous avons eu le cas "Babylon" le mois dernier et voici maintenant "The Fabelmans" film soi-disant orgasmique si l'on en croit les dithyrambes qui emplissent presse et commentaires cette semaine. Ces cris de jouissance, après avoir vu l'oeuvre, s'expliquent uniquement pour honorer de ses bons et loyaux services un cinéaste senior qui a rempli les salles durant des décennies et pour le petit jeu de piste cinéphilique auquel on peut jouer durant les 2h30 ( mais là, il faut aimer chercher des références et connaître son Spielberg sur le bout des doigts). A part cela, difficile dans ce mélo vaniteux sans profondeur de trouver plus qu'un vague intérêt, le même que celui que l'on jette sur une série B ou téléfilms aux sujets mille fois vus.
Le film se divise en trois parties. la première se concentre sur l'enfance du génie qui découvre le cinéma devant " Le plus grand chapiteau du monde" et un accident de train qui va lui éveiller sa créativité. Cela peut être plutôt sympa, parfois avec quelques jolies trouvailles mais comme souvent chez Spielberg, c'est très bavard ( épouvantable longue scène inutile avec un oncle Boris), très appuyé car, là encore c'est une autre caractéristique de son cinéma, on mâche bien la compréhension en surlignant tout pour être sûr que l'évident mangeur de pop-corn que nous sommes comprenne bien.
Ensuite, nous avons une deuxième partie plutôt consacrée à sa mère, personnage rendu flou par un scénario qui n'arrive jamais à lui donner de la consistance ( jouer du piano, être amoureuse de l'ami de la famille ne suffit pas à donner du relief) et accentué par l'interprétation très monolithique d'une Michelle Williams dont le jeu se résume à porter un carré blond et du rouge à lèvre. Là aussi, tous les effets qui auraient pu être intéressants sont surjoués ( notamment par une musique sirupeuse), bien appuyés ( on a compris que la caméra, surtout celle d'un futur génie, vole la vérité ! Pas besoin de le préciser trois ou quatre fois !)
Et enfin, le film se termine par ce qu'il y a de pire, un teen movie franchement pas inspiré, aux ressorts dramatiques totalement à côté de la plaque que l'on pense scénarisé et mis en scène par un tâcheron sans talent. Une scène ridicule, psychologiquement totalement à côté de la plaque, qui plus est bavarde, enfonce le clou avec le beau mec antisémite et harceleur, dégoulinant de larmes suite au film de fin de saison du futur petit génie du cinéma, qui ne comprend pas qu'il puisse être ainsi magnifié, lui si méchant, alors que le spectateur a vu plutôt une sorte de clip assez ambiguë, tendance homo. Si vous n'êtes pas endormi, déjà sorti vous pourrez admirer un caméo de luxe ( qui ravit la critique), celui de David Lynch interprétant John Ford. La scène clôt ce film suffisant par, peut être, le seul clin d'oeil un peu drôle....mais totalement dispensable .... comme le reste....
mercredi 22 février 2023
Les mots nus de Rouda
Avec un petit côté à la Annie Ernaux des "Les années", le rappeur et slameur Rouda nous conte la vie de Ben un jeune de quartier ( comme on dit quand celui-ci habite dans le 9. 3.). L'écriture vive file aussi bien la métaphore que le choc des mots. On ne s'ennuie pas une seconde dans ce portrait qui remet un peu de notre Histoire récente dans celle, plus petite, de Ben. L'auteur casse quelques clichés du petit jeune de banlieue qui n'habite pas forcément dans une tour, n'est pas obligatoirement issu de l'immigration, traficote un tout petit peu ( faut bien survivre dans un monde libéral qui vous laisse en marge ) mais sait le pouvoir de l'instruction et de la culture. Et quand il passe par la case prison, on oublie vite "Le prophète" d'Audiard...
Donc, bien écrit, affranchi des clichés inhérents au genre et porteur d'un message qui pourrait se résumer à : "Faites gaffe la banlieue est une cocotte-minute prête à exploser" ( du coup beaucoup moins original). Pourquoi, alors, en refermant ce premier on se prend à penser qu'il y manque quelque chose pour qu'il soit vraiment enthousiasmant? Sans doute le roman ne met pas assez l'accent sur l'aspect politique de la banlieue. Ben le héros veut faire changer les choses par une radicalité sans violence, conçoit un plan qu'il doit autant à son enthousiasme, qu'à son intelligence, sa culture et à quelques amis qui, eux, ont réussi à intégrer parfaitement le système. Cependant, les causes profondes cette colère ne sont jamais réellement explicitées, plutôt suggérées. Le roman n'arrive pas à rendre palpable que cette révolte, fruit d'une intense réflexion, elle même issue d'une bonne instruction, n'est vouée à l'échec que par la volonté d'un pouvoir qui ne veut en aucun cas que le savoir soit à la portée de tous. On reste autour d'un rêve de mots bien écrits, mais la puissance des mots de quelques uns n'est pas grand chose face au pouvoir libéral. Reste donc un roman agréable à lire, tonique mais peut être un peu trop timide dans ses affirmations.
lundi 20 février 2023
La dernière maison avant les bois de Catriona Ward
dimanche 19 février 2023
La femme de Tchaïkovski de Kirill Serebrennikov
Quoiqu'il en soit, "La femme de Tchaïkovski" ne laissera personne indifférent et c'est déjà l'essentiel. Sans doute un film prétexte pour se laisser aller à un cinéma inspiré mais aussi un peu grandiloquent, qui peut trouver autant d'amateurs que de détracteurs, une sorte de condensé de cette "âme russe".