dimanche 14 octobre 2012

Les pays de Marie-Hélène Lafon


Souvent sur ce blog, j'ai dit que j'aimais les livres qui secouaient le lecteur, qui le poussaient dans des contrées dérangeantes, pour le faire réfléchir ou tout du moins réagir. Mais, il existe des livres qui prennent un tout autre chemin, plus subtil, plus intime, souvent des ouvrages personnels, autobiographies quelquefois déguisées, récits de jeunesse, d'initiation, ... Ils nous attrapent dans leurs phrases pour ne plus nous lâcher. Ceux là ne bousculent pas, mais font résonner en nous des émotions plus intimes, souvent reliées à notre vécu.
"Les pays" de Marie-Hélène Lafon est un de ceux là. Si je devais raconter l'histoire, elle se résumerait à deux ou trois éléments, à première vue peu palpitants. Mais c'est tout l'art d'un grand écrivain de nous intéresser à une jeune fille quittant son Cantal natal pour aller étudier le latin et le grec à la Sorbonne. Bûcheuse et solitaire, nous la suivrons dans sa découverte d'un monde où tous les codes sont à découvrir et à intégrer.
Au premier abord, cela rappelle le dernier roman de Benoît Duteurtre (chronique ICI ) "A nous deux, Paris !" sur le thème de la montée d'un provincial à la capitale. Mais là où le premier essayait de nous intéresser aux péripéties culturo-musicales d'un jeune homme un peu naïf, "Les pays" préfère ausculter comment cette immersion dans un univers inconnu, est vécu, de l'intérieur et combien il est difficile pour une jeune fille sage et douée, de se détacher de son enfance paysanne.
Avec de longues phrases, aux mots choisis, Marie-Hélène Lafon m'a énormément ému. Ses phrases sont justement si enveloppantes qu'elles arrivent à faire resurgir une multitude d'émotions oubliées. Je défie quiconque qui, un jour, a du quitter un milieu familial rural ou ouvrier pour la ville et ses attraits, de ne pas se retrouver dans ces pages. Tout y est admirablement rendu, simplement, intimement sans aucun voyeurisme. Cette enfance terrienne qui est dans les veines de Claire, l'héroïne, restera enfouie en elle, mais elle apprendra à la camoufler derrière les codes de cette bourgeoisie pas encore bobo. Le passage de l'une à l'autre est formidablement décrit jusque dans ses moindres détails. C'est délicat sans être mièvre, c'est rendu subtil par un vrai travail d'écriture au pouvoir hautement évocateur.
Comme l'héroïne, j'ai quitté mon milieu de naissance régional pour aller étudier et travailler dans une grande ville. J'ai retrouvé en lisant "Les pays" toutes ces émotions, mélange de honte et de fierté, d'étonnement et de curiosité, de défi et de retenue qui ont émaillé mes années d'apprentissage à une vie urbaine privilégiée.
J'ai passé un moment précieux à la lecture de ce très beau roman. Je le recommande chaudement à tous ces urbains qui ne sont en fait que le fruit d'un exode rural rendu obligatoire par nécessité économique. (Et ils sont nombreux...)


4 commentaires:

  1. Sur ma PAL ! Un bon moment de lecture en perspective donc !

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  2. Je pense que tu apprécieras . Le style de l'écriture, longues phrases au vocabulaire soutenu, peut surprendre au début.

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  3. magnifique livre!! vous savez déja tout le bien que j'en pense. Et fort belle critique...
    Helene (pop corn et oreille de chien :))

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  4. Je l'ai retenu à la bibliothèque

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