jeudi 7 avril 2016

Envoyée spéciale de Jean Echenoz


J'étais resté sur  "14", son précédent roman loin d'être rigolo, rigolo, et je ne m'attendais pas du tout à ce que Jean Echenoz, dont j'ai été longtemps réfractaire à l'univers, me séduise et m'emballe autant avec son envoyée spéciale.
 Avec une trame fleurant le bon vieux roman d'espionnage des années 60, où tout un tas de personnages guindés en imperméables mastics manipulent de supposés pauvres innocents, le lecteur est embarqué dans une histoire délirante qui le mènera dans une ferme puis une éolienne de la Creuse avant de terminer en Corée du Nord. Le périple contient son lot de rebondissements, de morts,  et  d'entourloupes diverses. En plus d'un scénario digne du meilleur des pastiches du genre, "Envoyée spéciale" possède deux éléments peu courants dans ce genre littéraire : un véritable auteur et un vrai regard (en coin). Si jusqu'à présent, Jean Echenoz, dont le style impressionnant me laissait souvent au bord du chemin, force m'est de reconnaître qu'ici, j'ai été enchanté par la fluidité d'une narration constamment drôle, sarcastique, bourrée d'annotations tordantes et pince sans rire. On sent qu'il a vraiment beaucoup joué avec cette intrigue mais aussi avec le genre et avec son lectorat. D'ailleurs, il s'adresse constamment à lui, le prenant à parti, jouant de sa complicité, expliquant les ressorts de son roman, pourquoi il ne dit pas plus sur tel personnage ou pourquoi il le laisse momentanément tomber. Cela pourrait être lourd mais sous la plume d'un grand écrivain, c'est d'une légèreté absolue, comme une crème pâtissière confectionnée par un grand chef. Cela donne une note distanciée d'une grande drôlerie et une touche de jeu littéraire propre à satisfaire le lecteur le plus averti.
Sur l'intrigue par elle même, je n'en dirai rien, afin de préserver une certaine fraîcheur à ceux qui auront le plaisir d'y plonger un de ces jours. Pour donner une idée, disons qu'il y a un peu de l'esprit d'Yves Robert et de son grand blond avec une chaussure noire, mélangé avec celui de l'OSS 117 de Serge Hazanavicius, exemples cinématographiques s'il en est...alors qu'une adaptation sur grand écran de ce roman perdrait surement de cet humour subtil si littéraire. Cela se lit avec bonheur et jubilation.
Je ne sais pas si l'écriture ce roman fut une récréation pour l'auteur, mais ce raffinement humoristique est tout simplement un régal, une friandise acidulée que l'on déguste avec un plaisir inouï et prouve que sous l'apparence austère des éditions de Minuit, peut se cacher un livre qui donne de la joie et de la bonne humeur. (je ne parle pas de plaisir car on peut très bien en prendre en lisant quelque chose de bien moins drôle qu'"Envoyée spéciale").  

3 commentaires:

  1. Voici un livre que j'ai savouré, encore plus qu'une crème fouettée;-). Tous les ingrédients y étaient! A faire partager autour de soi,sans modération...

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  2. Bonjour Pierre, moi aussi, je me suis régalée à la lecture de ce roman. L'histoire est invraisemblable mais ce n'est pas grave. J'ai eu une larme en sachant le destin de Biscuit/Faust. Bon dimanche.

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  3. Ainsi, tu as aimé aussi
    Je suis entièrement d'accord avec toi

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