Le roman de Saphia Azzeddine démarre sur les chapeaux de roue. Son héroïne d'extraction populaire travaille à " La miche dorée" dans une de ces zones commerciales sinistres. En quelques phrases bien senties, elle pose son personnage, grande gueule mais avec quand même l'accès à un langage assez châtié et une pensée plutôt politique ( voire politiquement incorrecte). Mais ensuite, une impression de déjà vu et de facilité m'a chatouillé l'esprit. "Encore une de ces jeunes femmes de banlieue que la vie n'a pas épargné et qui possède une langue bien pendue car surdouée, bonjour l'originalité ! " Et puis, sans doute aussi acerbe que les propos tenus au fil des pages, j'ai rajouté en moi-même :" Ce ton sarcastique mais assez humoristique s'effilochera au fur et à mesure que l'intrigue se mettra en place, comme souvent dans cette littérature de plus en plus genrée. "
Sur ce dernier point, je me suis un peu trompé. L'auteure place bien une intrigue romanesque, une recherche de mère car l'héroïne, Marie-Adélaïde, est née sous X mais on sent très vite que le réel propos de ce roman est ailleurs. Cette jeune femme, au regard déjà fort critique sur ses collègues prolétaires, dont le passé fut brinquebalé entre famille d'adoption ingrate, familles d'accueil infâmes et même prison, va se trouver propulsée dans la grande bourgeoisie parisienne dont la vision des rites, des codes, des us et du langage vont la conforter dans son scepticisme radical envers la société d'aujourd'hui. Elle va tenter de construire un pont entre ces deux mondes que tout oppose, mais la bourgeoisie n'est guère soluble avec les employées de maison ou les vendeuses de brioches industrielles. Le maniement du langage et des études correctes ne suffisent pas à intégrer un univers aussi hermétique.
Le roman apparaît donc comme une sorte de récit autour de la différence de classes. Marie-Adélaïde avec son regard trop acéré et trop lucide se trouvant dans la position assez inconfortable de n'être nulle part à sa place. Cependant, un ressort de l'intrigue va lui jouer un mauvais tour et, sur la toute dernière partie, mon intuition du début se trouvera en partie confirmée, le ton acidulé s'estompera face à quelques péripéties un peu tirées par les cheveux, rendant la fin du roman un peu décevante. Restera seulement la tristesse d'un passé que rien n'arrivera à effacer...
" Sa mère", sans éviter parfois parfois quelques facilités, et sans non plus atteindre des sommets littéraires, reste un roman agréable à lire, avec des passages fort vus et une écriture plaisante et alerte.
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