Ah ! Genève, son jet d'eau, ses banques , ses sièges d'organisations internationales et ses belles villas nichées au bord du lac ! C'est dans l'une d'elles que Monica Sabolo nous convie à observer un agréable jardin parfaitement paysagé. Quelques fauteuils en rotin supportent des jeunes filles alanguies à l'air un peu perdu. Elles semblent de passage... Plus loin, un jeune adolescent, Benjamin, regarde avec inquiétude les eaux aujourd'hui grises du lac dans lesquelles il imagine un monde aquatique peuplé d'algues visqueuses et ondoyantes et de poissons effrayants. Sur la terrasse, la maîtresse de maison, mince tige blonde se tient adossée à un pilier, les yeux dans le vide. Son mari est absent mais flotte encore dans l'air un parfum de gas-oil que le démarrage énervé de sa range-Rover a laissé. Tous attendent le retour ou la découverte du corps de Summer, la fille aînée ( ou amie) disparue quelques heures plus tôt lors d'un pique-nique. Mais retournons au bord du lac et intéressons- nous au jeune frère de la demoiselle envolée. C'est lui le héros de ce roman, lui que nous suivrons durant vingt-cinq années, de cette entrée dramatique en adolescence jusqu'à la quarantaine. L'onde de choc que la disparition de Summer a provoqué en lieu constituera l'essentiel du roman.
Dans un style ample et scrutateur, Monica Sabolo sonde le désarroi de Benjamin, garçon fragile qui va traverser ces années avec un poids dans le corps, dont on ne saura pas jusqu'à la fin si c'est celui de la culpabilité, de la perte ou d'une simple neurasthénie. En jouant sur cette ambiguïté "Summer" prend des allures de thriller psychologique lent et automnal, tant la grisaille et la vie genevoise si compassée imprègnent le récit. En creux, plus classiquement, apparaît une évocation de la bourgeoisie locale qui ne diffère en rien de sa cousine bordelaise à la Mauriac pour ses non-dits et ses silences , ni à sa soeur parisienne pour le clinquant et le secret.
Au final, nous refermons un roman fort bien écrit, à la lenteur étudiée qui flirte avec un léger ennui sans jamais nous y faire sombrer. "Summer" est un peu comme ces promeneurs un peu âgés que l'on croise sur les bords du lac Léman, parfaitement apprêtés, la mine reposée mais discrètement hâlée signe d'une villégiature des plus confortables et sur le visage cette pointe de satisfaction qui masque bien souvent quelques vilaines petites choses, qui, si l'on est patient , finiront par être connues.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire