mardi 9 avril 2019

Suiza de Bénédicte Belpoix


Non Bénédicte Belpois qui publie son premier roman chez Gallimard ( excusez du peu !) n'a sans doute pas piqué le petit ami de sa mère pour assouvir son désir de connaître l'âââmour ! Sans doute non plus qu'elle n'a ( heureusement ) pas connu l'inceste tous les soirs avec sa terrible grand-mère. On peut penser qu'elle n'a pas eu un  père avec de nombreux  amants, que son frère a évité la boisson, les drogues dures et la couverture de son corps de scarifications avant de tuer ses camarades de classe. On peut donc imaginer que Bénédicte Belpois a connu une vie plus heureuse, plus simple ...et pourtant, elle a écrit un roman où, bizarrement, rien ne sonne autobiographique. Se rend-elle compte qu'elle va surprendre le lecteur en nous offrant une oeuvre entièrement romanesque dont le narrateur principal exerce la profession d'agriculteur dans le nord-ouest de l'Espagne, quarantenaire, veuf depuis des années et atteint d'une grave maladie ? Les méchants lecteurs diront que ça va les changer de tous ces bourgeois parisiens en mal de gratitudes, d'amour, de bienveillance dont le moindre petit bobo au coeur, au sexe voire au genou, fait office de sujet. 
Ce qui risque de changer celle, celui qui n'aura pas peur de suivre les pas de cet homme rustre et annonciateur d'une histoire pas des plus marrantes, c'est la formidable impression, dès les premières pages, de plonger dans l'univers d'un vrai auteur. Tout de suite, on entre dans cette ambiance rustique où l'on rencontre des personnages tout de suite évidents, dont on sent que derrière les apparences la complexité ne demande qu'a surgir. On aime aussi cette façon très habile de nous déstabiliser quant au personnage féminin, qui dès le début se fait plus que harceler, quasiment violer par le héros, bousculant tous nos principes féministes qu'une couche récente de "MeToo" a rendu fort sensible. Et ce face à face d'un mâle alpha d'un contrée paumée avec une quasi demeurée mais qui écarte facilement les jambes même dans la violence, va courir sur plus de 250 pages sans jamais faiblir, tant dans l'intensité romanesque d'une histoire talentueusement irriguée par un style et un sens du détail qui fait mouche, que par l'intérêt et l'empathie qui grandit chez le lecteur. Une histoire d'amour grandira sous nos yeux qu'une plume habile rend tout à fait plausible malgré des éléments qui aurait pu la rendre un poil too much. Bénédicte Belpois évite tous les écueils et nous conduit sans faillir jusqu'à un dénouement bouleversant.
Le plaisir que l'on prend à lire ce récit aussi âpre que sensible, vient que nous rencontrons une auteure, une vraie, pour qui écrire, n'est pas qu'un défouloir de divan mais le plaisir d'inventer une histoire, de créer des personnages, de les confronter à la vraie vie sans l'once d'un maniérisme quelconque, ni de cette supposée bienveillance, qui noie une bonne partie de la production  littéraire dans le frelaté. "Suiza" est une très belle surprise, un très bon premier roman, la première pierre d'une oeuvre que l'on espère longue et tout aussi inspirée ! 

1 commentaire:

  1. je découvre ta très belle critique...et je partage le meme avis : un tres grand 1er roman!

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