vendredi 13 décembre 2019

La vie invisible d'Euridice Gusmào de Karim Aïnouz


(Très beau) mélo pour Noël.

Le mélo est un genre qui se fait relativement rare sur les écrans, l'industrie cinématographique gagne plus avec de  l'évasion dans les bras de superhéros ( made in USA) ou du divertissement censé amuser ( comédies made in France). Le genre mélo a un peu vieilli, les larmes ne sont plus à la mode! Et voici que surgit, venu de très loin ( le Brésil) un mélo imparable et très réussi. 
"La vie invisible d'Euridice Gusmào" possède tous les codes du genre : des destins brisés ( ici de deux soeurs fusionnelles), des héroïnes qui subissent, des histoires d'amour malheureuses et surtout un final qui force les mouchoirs à sortir de la poche, la salle reniflant et sanglotant de conserve. Cependant, un mélo avec toute la panoplie des élément à émouvoir, ne fait pas nécessairement un bon film. Force est de reconnaître qu'ici, Karim Aïnouz, le réalisateur, déjoue avec subtilité les pièges du récit larmoyant en y instillant un réel discours sur le sort de la femme ( ici des années 50) face au patriarcat dominant. Que ce soit au Brésil ou ailleurs, la femme se soumettait à l'autorité du père puis du mari, gare à celles qui sortaient de ce schéma ( à l'instar de Guida...même si Euridice, bien dans le rang, morfle aussi, devenue invisible parce que cantonnée au foyer)! Le film donne à voir des moments que la jeune génération n'a pas dû connaître. Du viol marital lors de la nuit de noces au rideau de fer qui tombait devant les femmes lorsque un (mal) heureux événement était annoncé, tout est relaté avec force et finesse. Et grâce à son côté naturaliste très travaillé ( autant par l'image que par la bande son jouant sur l'amplification de certains bruits), le cinéaste ose beaucoup de choses ( des scènes de sexe assez crues), n'hésite pas à nous montrer un pénis en érection ou l'importance du bidet ( C'est quoi ça ? interroge la jeunesse)  dans la vie des femmes. Le récit aurait pu sombrer dans les clichés les plus niais, alors qu'il devient au fur et à mesure qu'il avance, subtilement politique tant il nous renvoie au Brésil d'aujourd'hui en proie à ces deux catastrophes que sont le gouvernement populiste de Bolsonaro épris du conservatisme le plus rance, plaidant un retour du patriarcat, aidé par les évangélistes dont le but principal est le gain. Si ce n'est quelques ralentis un peu too-much, le récit prend le temps de nous faire aimer ces héroïnes pour mieux nous amener à un final très émouvant dont la simplicité de la mise en scène se révèle diablement efficace pour faire jaillir les larmes. 
Alors, en décembre, plutôt que les engins spatiaux d'une énième resucée de quelques guerres des étoiles, plutôt qu'une reine des neiges mièvre à pleurer, choisissez une escale au Brésil ( A  Rio, elle aussi filmée loin des clichés) et les belles émotions d'un très joli mélo ...genre dont on dit qu'il refleurit en temps de crise... Comme nous sommes en crise, on risque d'en voir déferler beaucoup... Pourvu qu'ils soient tous de cette trempe là ! 



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