vendredi 31 octobre 2014

Le gouvernement des émotions de Pierre Le coz


" Polémiques, faits divers, téléréalité… Partout, c’est l’émotion qui triomphe. Le pouvoir médiatique fait vibrer la corde sensible au rythme de stimulations sonores et visuelles qui produisent une véritable fièvre émotionnelle. Le pouvoir politique joue sur les mêmes ressorts."
Avec un tel constat et un sous titre "L'art de déjouer les manipulations ", c'est avec envie que j'ai lu cet essai de Pierre Le Coz, philosophe spécialiste de l'éthique. 
Partant du constat que les faits divers depuis dix ans occupent une place de plus en plus prépondérante dans les grands médias français, une info fortement émotionnelle succédant à une autre info toute aussi émotionnelle, Pierre Le Coz nous démontre comment notre jugement s'en trouve altéré. Insidieusement avec des informations anxiogènes, demandant réactions empathiques ou indignation, les médias, surtout audiovisuels, en jouant de plus avec un lexique minimal, nous entraînent sur des voies où la réflexion n'est plus sollicitée. A nous, les sentiments primaires de la colère, de la culpabilité ou de la peur. Aucune mise en perspective, aucune aide au jugement ne nous sera proposé, juste quelques orateurs aux discours véhéments ou outrés ou purement télégéniques participeront à un cirque émotionnel dont le but est d'entretenir le spectateur dans un brouillard émotionnel constant.
 Le constat est clair, la démonstration dans le livre, très documentée et évidemment d'une grande intelligence, l'est un peu moins pour un lecteur lambda comme moi. Si j'ai bien suivi la progression du livre , une émotion décryptée et analysée en amenant une nouvelle, elle aussi définie, démontée, les nombreux exemples illustrant le propos m'ont parfois paru, pour certains, un peu difficiles à suivre. Cependant, tous ces exemples, empruntés à l'actualité récente, malgré un style de spécialiste, apportent à cet essai un intérêt indéniable.
Tout en étant plus ou moins conscient de cet état de fait, les solutions proposées pour les déjouer ne sont pas nombreuses. Elles se résument à trois grands préceptes : savoir repérer la manipulation émotionnelle, connaître tous les rouages inhibiteurs et tous les cheminements de nos émotions et surtout multiplier les points de vue, "chercher d'autres sources d'expressions de la sensibilité dans la culture, les arts, la littérature et la philosophie". En un mot : ne vous informez pas sur les écrans vous éviterez des stimulis inutiles, prenez du recul et du temps pour réfléchir, pesez le pour, le contre et n'obéissez pas à vos premières émotions, toujours mauvaises conseillères surtout quand elles sont manipulées par des spécialistes de la dialectique. 
On ressort de la lecture de cet essai un peu ébranlé, surtout après avoir découvert, dans l'exposition sur des thèmes récents comme le mariage pour toi, la GPA ou la conservation des ovocytes combien le débat à été confisqué, dénaturé et surtout cantonné à ne développer que quelques éléments épars et pas les plus importants. A vouloir vulgariser, en jouant sur les émotions, le débat dans nos sociétés oublie constamment la complexité des choses. C'est un danger pour nos démocraties. Heureusement que des hommes veillent encore pour nous le rappeler. 

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