dimanche 21 février 2016

Ce sentiment de l'été de Mikhaël Hers


Attention, film délicat, donc fragile. Et si en plus je rajoute que l'un des thèmes principaux est le deuil et la reconstruction d'un homme après la mort de sa compagne, je ne suis pas sûr d'être énormément vendeur. Et pourtant, comme le montre l'affiche lumineuse et estivale, "Ce sentiment de l'été" évite tous les clichés ou les propos convenus pour ne s'attacher avec grâce qu'à ce cheminement apparemment anodin d'un retour à la vie normale. En trois étés, nous allons vivre avec Lawrence, qui se remet difficilement de la disparition subite de Sasha mais aussi de la soeur de cette dernière qui se refuse à rompre les liens amicaux déjà noués. A Berlin, puis à Paris, puis à New-york, ils vont continuer à se voir, se frôler, se jauger, se réparer l'un l'autre.
Le canevas du film est ténu. Il est de ceux qui s'attache aux infimes gestes du quotidien, à un regard qu'un cadrage parfait rend soudain troublant, à un geste, une intonation, une phrase anodine qui soudain émeut. C'est un cinéma impressionniste, sensible. Hou là me direz-vous, encore un truc un peu rasoir. Pas du tout, car, dans ce dispositif aux apparences simples, il y a un regard de cinéaste qui passe par là et emplit l'écran. On y trouve, très présente, l'atmosphère de trois villes au coeur de l'été. Il fait chaud, on y déambule en devisant gentiment, en parcourant les parcs, dressant en creux une parfaite typologie de ces lieux de détente :  libres et pas mal dénudés à Berlin, rectilignes et plus fliqués à Paris, sportifs à New-york. On y entend aussi une musique variée et pimpante, bande son qui colle au coeur et au corps (comme dirait l'autre) des personnages. Mais il y a surtout son casting avec en vedette Anders Danielsen Lie, longiligne et un peu renfermé, dont la tristesse rentrée s'éclaire au fur et à mesure que l'histoire avance, pudique veuf à la tendresse à fleur de peau. Face à lui, Judith Chemla, tout en retenue, est une subtile amie dont le coeur est toujours au bord de basculer. On regarde, écoute ces deux beaux acteurs comme s'ils étaient des amis de toujours, on épouse leurs doutes, leurs peines et leurs espoirs. Les cinéphiles apprécieront le clin d'oeil à Eric Rohmer avec la présence de Marie Rivière et de Féodor Atkine, possédant même une maison à Annecy comme dans "Le genou de Claire".  On appréciera au passage, comme dans la vraie vie, des moments décalés, nullement appuyés comme Jean Pierre Kalfon en tenancier d'hôtel un poil travelo, qui ajoutent au film un supplément d'âme.
J'ai passé  deux heures sereines au cinéma. La justesse de ton mais aussi cette lenteur voulue qui laisse le temps au spectateur d'attraper une émotion, un sentiment, font de "Ce sentiment de l'été" une petite friandise douce que l'on déguste avec plaisir au coeur de l'hiver.


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