Roman simple et moderne, "Amours sur mesure" se penche sur ces zones floues que sont l'amour et le désir lorsque tous les possibles sont à portée de main. Qu'en fait-on ? Comment gère-t-on cette liberté ?
Lisa, en couple avec le narrateur, rompt le pacte tacite qu'ils avaient mis en place. Elle lui présente un collègue qui est plus qu'un collègue. Jusqu'à présent leurs rencontres périphériques étaient tues. Refrénant comme il le peut un léger sentiment de jalousie, le narrateur va tout de même rencontrer Valentin pour qui il va éprouver un sentiment amoureux. Alors que les aventures anonymes d'un soir sont quand même dans ses habitudes, le sexe ne s'invite pas entre eux, crainte que faire l'amour rompe leur amitié/amour naissante. De son côté Valentin aime aussi Joram qui, bien que visiblement amoureux, se refuse à lui...
Les jeunes adultes d'aujourd'hui jouent aux jeux de l'amour et du hasard avec une application téléphonique greffée au bout des doigts. Les rencontres en sont grandement facilitées, le sexe aussi, le hasard jouant toujours son rôle de loterie mais à une vitesse supersonique. Jouissant d'une réelle liberté de choix aussi bien sexuelle que de mode de vie, cette consommation normale des corps est auscultée par Mathieu Bermann, avec douceur et sensibilité. Aucun voyeurisme ni scène de sexe choc dans le roman, juste le regard courtois et en distance de quelqu'un qui observe et interroge ses contemporains, En essayant de cerner cette génération décomplexée qui sait comme nulle autre filtrer ses émotions. l'auteur parvient à dresser une nouvelle géographie des comportements amoureux dont les codes ont beaucoup évolué. C'est en jetant un préservatif usagé à la poubelle en même temps que le coup du moment repart dans un claquement de porte, que surgit dans un coin de la tête des notions aussi vieillottes que l'amour ou la jalousie, rendant cette vie de liberté soudain plus complexe. Et quand le sentiment amoureux s'invite réellement, il chamboule tout autant. L'un des personnages du roman déclare : " Je pourrais coucher avec n'importe qui plutôt qu'avec la personne que je désire vraiment et cette paralysie est plus brûlante que tous les coups d'un soir.". Sublimation d'un amour asexué ( ce que vivent d'ailleurs au moins deux personnages du roman) en réaction à trop de facilité? . Impression confirmée quand, sur la fin, le narrateur lâche : " On ne se serre pas dans les bras, bien qu'on eût pu le faire. Mais c'est la possibilité même de ce geste qui nous relie, pas forcément sa réalisation.", on sent alors que décidément, en amour, on n'a pas encore tout vu.
Avec ses airs libérés, "Amours sur mesure", sans renoncer à toutes les voies possibles, ne serait-il pas au final, le premier récit contemporain sur l'amour asexuel ? Une chose est certaine, ce premier roman est sans doute un de ceux sur lequel on reviendra forcément dans les mois qui viennent, sa petite voix est de celle qui s'insinue durablement dans les esprits.
"En amour, chacun fait sinon à sa volonté, du moins à sa mesure."
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