On sait depuis longtemps que la BD n'a pas hésité à s'emparer avec succès de sujets ou de genres traditionnellement réservés à la littérature classique. La liberté de ton, de représentation qu'offre le dessin a démontré avec éclat que loin d'être un genre mineur, elle offrait un regard neuf et pertinent, désormais impossible à ignorer.
Ce mois-ci paraît dans l'excellentissime collection Mirages de chez Delcourt, "L'anniversaire de Kim Jong-il " petite merveille de roman/documentaire graphique absolument étonnante.
Le projet est simple : parler de l'actuelle Corée du Nord sans rien cacher de l'omniprésente propagande, de l'insupportable culte de la personnalité pour ses dirigeants successifs, de la misère endémique, de la famine et de l'immigration qui indubitablement en résulte.
Je vous entends déjà souffler, supposant encore un album aussi larmoyant que rude, usant avec plus ou moins de bonheur reportage et pédagogie forcément bien pensante. Je vous l'accorde, vous ne plongerez pas dans un univers à la Gaston Lagaffe mais aussi improbable que cela puisse paraître et malgré les terribles événements décrits, il se dégage de ces pages une légèreté, un humour absolument bluffants.
Le procédé pour arriver à ce résultat n'est pas nouveau. On prend un gamin de huit ans et on lui fait raconter sa vie de tous les jours. Quoi de plus léger que le regard d'un enfant pour poser un regard un poil décalé et frondeur ? Sauf que cette vision enfantine est scénarisée par un adulte ( ici l'excellent Aurélien Ducoudray) et parvenir à retrouver cet état si particulier d'innocence au milieu d'un monde qui en manque cruellement reste un sacré pari. Beaucoup s'y essayent, avec plus ou moins de bonheur, peu y arrivent comme les auteurs de ce terrifiant état des lieux sur ce qui reste le pays le plus fermé du monde. Le scénario, découpé en cinq chapitres édifiants (dans le sens occidental bien entendu !) s'imbrique parfaitement avec les illustrations rondes, douces et un poil espiègles de Mélanie Allag qui en jouant subtilement avec les couleurs, parviennent à faire ressentir l'horreur et la folie de ce régime tout en gardant une fraîcheur et un très vague espoir en des jours meilleurs. Le récit avance constamment sur ce fil ténu, sans jamais vaciller et nous conduit au final sur ce qui est sans doute l'un des romans graphiques les plus réussis de cette rentrée.
Ne vous laissez pas impressionner par le portrait du dictateur en couverture de cet album, regardez plutôt le petit garçon en bas à gauche, facétieusement il démolit un peu le portrait du "père bien aimé" et avec son regard noir, il représente exactement l'atmosphère terriblement légère de cet album indispensable !
cOup de cOeur partagé!
RépondreSupprimer