dimanche 11 septembre 2016

Un paquebot dans les arbres de Valentine Goby



Ce joli titre, un peu énigmatique, ne cache nullement un roman halluciné, au merveilleux onirique. Le paquebot s'avère être un sanatorium construit après guerre au milieu d'une forêt touffue pour mieux l'isoler du monde. C'est dans cet endroit que les parents de Mathilde furent hospitalisés avant que la tuberculose ne les emporte prématurément. Aujourd'hui, devenue âgée, elle erre au milieu de ruines se remémorant un passé douloureux.
Récit d'une famille éclatée par la maladie, "Un paquebot dans les arbres", se révèle être un magnifique roman qui vous étreint dès les premières pages pour ne plus vous lâcher. La tuberculose, mot terrible durant une grande partie du 20 ème siècle, restera à jamais attaché à une maladie qui a sans doute autant, sinon plus, exclu et répandu la peur que le SIDA. Rappelez-vous que quelques postillons venus d'un toussotement pouvaient vous contaminer... Et quoiqu'on en pense, et c'est un des sujets abordés par le roman, malgré l'arrivée de la pénicilline après guerre, la maladie tua jusqu'au début des années 60.
Thème central du roman, cette tuberculose sera l'élément déclencheur de la chute devenue inéluctable de cette famille. Sans jamais verser dans le mélodrame, Valentine Goby enrobe son histoire d'une magnifique écriture, mélange subtil de rudesse, de sensualité voire de poésie mais sans afféterie. Sa plume s'empare de ses personnages, les fait valser avec grâce, leur donnant une réelle densité pour nous les rendre plus proches, plus attachants. Pour cela, elle sait être aussi musicale que l'est cet harmonica, petit instrument qui ne quittera jamais le père, qui sera le véritable indicateur de l'avancée de la maladie, mais aussi le témoin muet d'un changement d'époque, la musique rock remplacera le bon vieux bal et accompagnera la libération de la jeunesse et des corps.
Des corps, il en est également beaucoup question dans ce livre : corps triomphant des adultes avant la chute, corps en devenir d'une jeune fille, corps décharné et flétris, corps rejetés par la maladie ou à cause d'un handicap ( lumineux personnage de Jeanne si sincère) et tout cela pour sublimer un récit aussi émouvant qu'essentiel.
En retraçant le portrait des vingts premières années de Mathilde, en plus d'être le peintre sensible d'une femme battante, Valentine Goby fait oeuvre de mémoire en rendant un vibrant hommage à tous ces anonymes qui furent les ostracisés d'une société qui n'aspirait qu'au bonheur. Et ne restent que les ruines d'une bâtisse, ultime trace d'une maladie qui, hélas, n'a peut être pas dit son dernier mot...

2 commentaires:

  1. Super bien écrit ton article : ça donne vraiment envie de découvrir ce roman! J attendrai que tu me le prête ?

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  2. L'harmonica met encore plus en avant le rythme envoûtant de son écriture, séduite!

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