Une jeune femme, blonde à l'apparence fragile, est embauchée, Maria, comme contrôleuse de qualité dans l'usine que dirige Endre, cinquantenaire solitaire et se pensant maladroit à cause d'un bras inerte. Rien ne laisse supposer que ces deux là puissent un jour se rencontrer et vivre une histoire d'amour. Nous sommes au cinéma et tout est possible. Je vois les yeux se lever vers le ciel,en pensant qu'il s'agit encore d'une bluette style Harlequin ( tout les sépare mais ils vont s'aimer). Racontée comme je viens de le faire, c'est certain, sauf que, la cinéaste hongroise ( Caméra d'or à Cannes en 1989 mais également ours d'or au dernier festival de Berlin, le 3ème grand festival après Cannes et Venise) donne une force envoûtante à son sujet par la magie d'un scénario hyper travaillé et une mise en scène et en images particulièrement pertinente.
Maria et Endre, par le hasard d'un rendez vous chez une psychologue vont s'apercevoir qu'ils font chaque nuit un rêve identique, celui d'un cerf et d'une biche, complices et tendres, dans une forêt sous la neige, belles images bucoliques qui vont se heurter à d'autres images d'animaux, celles des bovins qui se rendent à l'usine où travaillent nos deux héros. Hé oui, l'histoire d'amour se déroule en partie dans un abattoir ! Et là, où certains auraient pu jouer atrocement sur ces deux versions de la vie animale, Ildiko Enyedi choisit de traiter cela par un hyper réalisme jamais voyeur, dont les plans au millimètre, souvent fixe, révèlent une force et une poésie fulgurante. La même exigence est employée pour la description de la rencontre de ses deux personnages, chacun avec son code couleur ( tons gris et froids pour Maria, au comportement autiste et maniaque, tons chauds pour Endre ) et une utilisation des parois transparentes, symboles subtils de ce qui sépare ces deux êtres, chacun se débattant avec un monde intérieur les obligeant à un certain mutisme.
A l'écran, cela donne une histoire qui sort de la banalité, touchant très vite le spectateur qui ne peut que se laisser emporter par la destinée de ces deux être dont les rêves et la solitude vont finir par se rejoindre, où le sang sera sans doute la seule couleur que cet homme et cette femme vont réellement partager. Dans une magnifique mise en scène jamais lourdingue, d'une beauté hyperréaliste à couper le souffle, "Corps et âme " apparaît comme le conte moderne qu'il faut voir cette semaine.
Et je ne résiste pas au plaisir de vous rajouter un clip, avec la très jolie ballade de Laura Marling "What he wrote" qui joue un rôle assez important à la fin du film .
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