lundi 2 janvier 2017

Diamond Island de Davy Chou


Je l'avoue, j'ai dû passer à côté du premier film de Davy Chou, dont tout le monde dit le plus grand bien. Diamond Island, cité de divertissements et d'affaires des plus clinquante, se construit sur une île face à Phnom Penh. Comme nous sommes au Cambodge, sa campagne regorge d'une main d'oeuvre jeune et peu chère. Bora va donc quitter son village et une mère que l'on devine malade pour aller travailler sur cet immense chantier aussi dangereux que les conditions de logement sont spartiates. Et quand on est un jeune homme, après le turbin, on sort, on regarde les filles et l'on avale des sodas. Le coin regorge d'échoppes aux néons multicolores et aux karaokés accueillants qui font oublier la rudesse et la dangerosité du travail. Un soir, au hasard de ses déambulations avec ses amis, Bora croisera un frère aîné parti bien avant lui et dont il n'avait guère de nouvelles. Sans doute plus en phase avec la société libérale dont le pays prend la voie, ce grand frère semble vivre à l'aise, peut être parce que protégé par un  généreux (?) mécène qui lui promet l'Amérique.
Oui Davy Chou nous a concocté un film à la fois politique ( le rapport d'une jeunesse frustre face à une économie libérale dont les lumières l'éblouissent mais qui se révèlent de vrais mirages mais aussi ce passage et cette envie d'amnésie totale du passé que suggère cette construction sans âme véritable) mais aussi sentimental, sur une jeunesse un peu perdue. Le cinéaste sait très bien utiliser les couleurs du pays, ses habitants aimant les habits voyants et colorés, ses lumières et néons qui essaient de cacher une certaine misère. Mais, car oui, il y a un mais, malgré de formidables bonnes intentions, il en a oublié le scénario. Après une mise en place longuette mais dense grâce à un formidable arrière-plan social, le film prend la piste du vieux rêve libéral du départ pour l'Amérique sans s'en servir réellement, lui préférant au final des amourettes dont la fadeur et le peu d'intérêt font tâche par rapport à l'ambition du projet. On s'ennuie pas mal à les voir circuler en moto, errer dans des rues certes aux couleurs agressives, se regarder sans oser se parler ou se toucher ( je sais, c'est culturel, ...).  Les jeunes comédiens, très photogéniques, montrent assez vite leurs limites quand ils doivent jouer les sentiments. Ok, le libéralisme envahit le Cambodge et sa jeunesse, oublieuse des khmers rouges, se vautre dans sa mystification. Oui, l'amour de l'autre peut leur ouvrir au moins la porte d'une certaine félicité, mais tout cela manque sérieusement de punch et prend trop souvent une pose auteuriste en jouant sur la contemplation, la longueur exagérée des plans et une vraie lenteur.
Davy Chou possède, c'est évident, un vrai regard mais gagnera surement dans le futur à resserrer et densifier ses scénarios et à utiliser le non-dit de manière plus dramatique.


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