dimanche 15 janvier 2017

L'opium du ciel de Jean-Noël Orengo



Jusqu'à présent cantonné à la science-fiction, voici qu'en 2017, après avoir fait son entrée comme livreur chez un gros commerçant du web, il surgit en personnage principal d'un roman de littérature française. Après Emma Bovary, Swann, Zazie, voici Jérusalem, le drone ! Même si dans "L'opium du ciel", il sert surtout de prétexte pour faire réfléchir les lecteurs sur le fait religieux et ses tendances à occulter la moitié féminine de la planète, il n'en demeure pas moins qu'il s'impose tout de même comme une belle idée romanesque.
Jérusalem, objet volant et espionnant, au départ banal jouet acheté sans doute à la FNAC sera le propriétaire d'une jeune fille bien de chez nous qui l'emportera avec elle lorsqu'elle fera son djihad. Récupéré par un couple de doux intellos décalés, archéologues du religieux mais aussi fin bricoleurs, il sera réparé grâce à l'apport des pièces d'un autre drone, américain et militaire cette fois. Objet devenu hybride, une super intelligence lui sera en plus offerte, le rendant capable de réflexion voire de sentiments. Après avoir survolé de façon froide et glaciale la France et le Moyen-Orient, il continuera ses périples aux côtés d'un jeune couple, observant le monde avec une toute nouvelle acuité.
Ce personnage, qui nous sort des salons bourgeois dans lesquels se complaît le roman français, reste avant tout le prétexte à une fiction qui vire très vite à un quasi essai sociologico/politique, embarquant ainsi de grands thèmes actuels que sont, en vrac, les effets de la religion sur les masses ou la violence et la guerre qui en découlent, mais surtout, et cela court tout le long du livre, l'éradication du féminin dans les religions monothéistes, réduit le plus souvent à un rôle essentiellement maternel et interdit de divin. Le drone, doté d'une sensibilité indo-sémite, relira le monde au travers de ce concept, attelage original des deux plus vieilles religions du monde qui, pour l'un d'elle ( le judaïsme), n'avait pas, à l'origine, renié la femme. Mais le roman ne se contente pas d'être le vecteur d'une thèse assez ardue, il tacle pas mal sur nos petites manies actuelles et ne se gêne pas non plus pour y introduire des personnages réels, parfois pour s'en moquer ( Philippe Sollers).
Roman franchement ambitieux, "L'opium du ciel" s'est révélé, pour moi, à la lecture, plutôt chaotique. Si certains critiques ont trouvé le style de l'auteur " chatoyant et  protéiforme, où les phrases peuvent ressembler à de longues caresses ondoyantes, déclencheuses d'infinies jouissances" ( Damien Aubel dans le magazine Transfuges ),  personnellement, j'ai peiné pour les mêmes raisons. J'ai été assommé par ce torrent verbal, rythmé par de nombreuses énumérations, noyant un propos mordant, sexuel, au milieu de références ou de symboles. Une sensation de distance s'est irrémédiablement créée entre le thème et la folie de cette histoire, pourtant prompts à me captiver et cette écriture sans nul doute très travaillée, mais qui m'a paru cultiver un véritable entre soi. Et même si parfois j'ai été touché par un propos, titillé par une remarque, un court paragraphe, il ne me reste au final que l'impression pesante d'une proposition ardente mais trop alambiquée.
Si Jérusalem, le drone ( attention symbole !), surveille le monde, silencieux et léger, " L'opium du ciel", véritable démarcation du roman traditionnel, aurait gagné à être lesté  de quelques fulgurances stylistiques brumeuses. 

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