lundi 16 janvier 2017

Une jeunesse perdue de Jean-Marie Rouart


Un vieux beau qui ne supporte pas que le regard de jeunes et jolies ne glisse plus sur lui (les vieilles de son âge et de 20 ou 30 ans de moins, beurk !) traîne son mal de vivre entre la rédaction en chef d'une revue d'art d'un certain renom et son splendide appartement parisien avec personnel de maison dévoué. Même les déjeuners chez Lipp, à la maison du caviar ou une boisson revigorante au café de Flore n'arrivent pas à chasser cette sacrée impression de ne plus être qu'une masse de chair molle et guère séduisante. Mais, le hasard mettra sur sa route une dénommée Valentina Orlov, russe incendiaire bien sûr jeune et sculpturale, qui l'aimera comme une femme tempête. Petite définition de la femme tempête pour ceux et celles qui ne connaîtraient pas le jargon des alcôves bourgeoises : femme violente, bruyante, acharnée au plaisir ou si vous préférez, femme à l'humeur changeante et calculée totalement consciente de ses charmes.  On devine la suite. La chair qui s'avachit la met en transe, enfumant le cerveau du mâle bien crédule...
Jean-Marie Rouart,  plume encore alerte, cynique par moment, trousse un roman qui dégage des parfums incommodants, un peu comme ces vieux séducteurs inondés d'une eau de toilette entêtante. Le sujet vieux comme le monde, la faiblesse et la déchéance d'un homme qui croit possible l'amour d'une ( très jolie) jeunette pour lui, aurait pu donner lieu à quelque chose de mordant, de sexy, voire de drôle ou de tragique mais ici il est traité de façon assez convenue. Le lecteur ne gagne rien à batifoler avec lui, il voit les ficelles, soupire devant la candeur du personnage, s'énerve un peu devant cette suffisance de nantis même si parfois on sent un frémissement critique ( autocritique ?). On nage dans l'infatuation bourgeoise, dans une  misogynie certaine. Cela à fait naître dans ma tête de lecteur le cliché du vieil académicien libidineux qui rêve encore, de par sa position honorifique à trousser, sur une méridienne signée, quelque jeunesse délicieuse.
Et derrière cette histoire aux parfums surannés, se dégage une morale à géométrie variable. Si par hasard quelques jeunes lecteurs devaient se plonger dans cet ouvrage ( incertain, mais allez savoir...), ils apprendront, que pour peu qu'ils ne soient pas trop moches, il vaut mieux offrir ses fesses ( dans les bons endroits seulement) plutôt que de faire des études et de prouver sa valeur par sa culture et son travail. Avouez que pour un lecteur du Figaro ( qui, à part ce lectorat, lit du Rouart ?) cela peut défriser, passer pour iconoclaste et justifier des dithyrambes dans les colonnes de son journal favori ou dans ceux où les académiciens sont caressés dans le sens du poil ( par de jolies mains fraîches?). Mais rassurez-vous, pour les lecteurs des pages saumon, il y a un deuxième conseil bien plus pragmatique : vieux, vieilles, méfiez-vous des jeunesses ardentes et  tumultueuses, elles vont vous plumer ! Planquez tout ! Restez entre vous dans les salons dorés à jouer au bridge ! Et si la chair vous démange, si vous avez encore des appétits sexuels ( et pas d'héritiers), alors, libre à vous de vous enfoncez dans une dernière aventure et jouissez-en jusqu'au bout mais ne venez pas vous plaindre !

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