Non le Fernand Ochsé du titre n'est pas un personnage de roman mais un être bien réel qui a vécu dans la première moitié du XXe siècle. Inconnu du grand public, il a pourtant joué un rôle important, mais dans les coulisses du Paris de la musique et du théâtre, surtout entre les deux guerres. Benoît Duteurtre, fin musicologue, essaie de nous retracer sa vie dans une sorte de biographie qui ressemble plus à une exofiction tellement les témoignages ou les traces de son existence ont disparu. Il en profite ( en spécialiste de ce genre tombé dans l'oubli) pour faire revivre cette folle époque où les théâtres proposaient moultes opérettes, genre aujourd'hui remplacé par des comédies musicales à la "Notre Dame de Paris".
Fernand Ochsé fut une sorte de dandy, un peu dilettante, sans doute talentueux, très bon musicien, décorateur mais aussi renifleur de talents. Il a ainsi participé à la mise sur orbite des compositeurs comme Arthur Honneger et Reynaldo Hahn ( chanteur aussi, mais bien oublié aujourd'hui) et inventé des décors mémorables pour des opérettes qui eurent leur heure de gloire. Cet homme ayant peur du moindre courant d'air, à l'allure romantique connaîtra une fin tragique juste avant la libération.
Ce récit lui rend un émouvant hommage et permet surtout à l'auteur de s'attarder sur ce genre musical dont il ne subsiste de nos jours que de vagues airs encore connus pour leur côté égrillards ou coquins ( grâce peut être à l'émission de Benoît Duteurtre sur France Culture, intitulée "Etonnez moi Benoît ", clin d'oeil à Françoise Hardy au registre pourtant bien éloigné de "Félicie aussi" ou de "Sous les palétuviers"). Revit donc dans le sillage de cette évocation la vie folle des théâtres où les vedettes n'avaient qu'un surnom ( Fragson, Dranem, Misstinguett, Allibert, Fernandel, ...) et amusaient un public parisien qui pouvait très bien s'extasier aussi pour des créations plus originales ou novatrices.
Evidemment, nous avons droit à des pages entières qui nous citent des titres et des personnalités oubliées ( sauf de quelques vieilles personnes ou de spécialistes ). Ce n'est pas ce qui est le plus passionnant, il faut bien l'avouer. Par contre l'auteur nous raconte avec beaucoup de nostalgie, la montée puis la chute de ce genre aujourd'hui bien méprisé ( d'Offenbach jusqu'à Luis Mariano ), faisant résonner pour une personne de mon âge de lointaines réminiscences du temps où mes grands-parents étaient vivants et avec, toujours en fil rouge, le fragile Fernand Ochsé. Les derniers chapitres de l'ouvrage lui sont entièrement consacrés, pages émouvantes de la mort horrible d'un homme pour qui la vie ne fut qu'une légère fantaisie pétillante et ludique.
En reposant le livre, j'ai eu l'impression de refermer un vieil album de cartes postales. Benoît Duteurtre, en plus d'avoir réussi à m'émouvoir sur le sort d'un inconnu qui ne le sera plus, aura au moins gagné sur un autre point, participer à changer un peu l'image que je me faisais de ces années 20/30, folles et légères, mais aussi formidablement inventives, éprises de liberté et dont l'apparente insouciance fut longuement dénigrée après-guerre, comme si cette parenthèse de joie était la cause de ce qui arriva hélas par la suite.
Un auteur que j'ai découvert et que j'apprécie, alors je note ce titre... Si je le trouve à la bib
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