Parfois, en tant que lecteur, il nous vient de drôles de pensées. Ainsi, en reprenant pour la énième fois " Laisse tomber les filles" ( oui, sans jeu de mot, et pour me mettre au niveau de ce roman, il m'est tombé plusieurs fois des mains ) j'imaginais sans peine un directeur littéraire de chez Albin-Michel convoquant dans son bureau Gérard de Cortanze ( Prix Renaudot 2002 ) et lui disant :
- Bon coco, "Zazous " ( le précédent ouvrage de l'auteur sur ce mouvement de mode des jeunes des années 40) a bien marché, et si tu t'attaquais aux yéyés ?
- Heu, tu crois pas que c'est un peu facile ?
- Ecoute bichon, on va célébrer les cinquante ans de 68, un roman sur cette jeunesse qui a fini par jeter du pavé et foncer dans la marijuana et l'amour libre, ça va faire un carton !
- Ah ? T'es sûr ?
- Mais oui Gégé ! Et toi tu vas nous trousser ça avec ta verve habituelle. En plus tu as l'âge idéal, à l'époque, tu as flirté dans les surprises-parties sur les tubes de Mike Brant...
- Heu ...mais Mike Brant, c'est après les yéyés...
- Peu importe, Mike Brant, Johnny Hallyday ou Carlos, tu me fourres du yéyé dans une histoire plus sexe que Jules et Jim et tu es sûr de faire l'émission de Ruquier ...et qui dit Ruquier dit ...dit....
- ...? Télé ?
- Succès Gerry ! Succès !
- Moi ça me branche moyen ce truc ...surtout que j'aimerai bien entrer à l'Académie française et parler de Sheila et de France Gall, je ne suis pas certain que cela m'aide beaucoup...
- Parfois mon Gérard, il faut savoir écouter son éditeur. Y'a plus que les gens de ton âge qui lisent et les yéyés, c'est leur jeunesse. La nostalgie ça marche à plein tube chez les presque séniles ! Un carton tu vas faire, crois- moi ...
- Mais tu sais moi, les années 60 je les ai à peine vues, j'étais enfermé chez les Jésuites !
- Mais tu vas te documenter et puis...tiens regarde...je te fais un à valoir...
-... Ah oui.... ben écoute.... je crois que ... que... je vais le faire alors...
C'est un rêve bien sûr.... Mais la lecture de "Laisse tomber les filles" fait irrésistiblement ( S Vartan 1968) penser à une petite cuisine éditoriale vite faite, moyennement bien faite. En gros vous avez un bouquin genre " les années 60 pour les nuls", bourré d'infos, de titres de chansons, de films, d'actualités rétros, dans laquelle on a plaqué une improbable histoire d'amitié/amour entre une fille et trois garçons ( supposés dans le vent). S'il ne manque aucune couette, aucun blouson de cuir, aucun collant, aucune chaussette noire, le roman, lui, manque sérieusement de charme et surtout de crédibilité. Histoire de bien balayer toutes les tendances ( et surtout ne rien oublier dans cet inventaire ), un des héros, cinéphile pointu lis et relis le scénario de " la collectionneuse" d'Eric Rohmer tout en écoutant avec délectation "Z'avez pas vu Mirza" ! Le pompon revient aux dialogues entre ces jeunes gens, improbables échanges qui finissent par devenir hilarants tellement ils sonnent faux, servant uniquement à faire passer des infos sur l'époque. Ainsi on peut déclarer son amour tout en glissant le pourcentage de femmes ayant reçu un diamant de la part de leur amoureux ! On peut aussi apprendre que le jeu préféré des garçons dans un bar est de jouer au jeu des onomatopées ... Je dis : "Da dou ron ron " et tu réponds : Sylvie Vartan ! Ce qu'on savait s'amuser dans les années 60 ! Ou mieux encore on décuple un orgasme en réussissant à glisser le nom de Dany Logan dans une scène de sexe ( fallait y penser...mais citer Dany Logan est-ce vraiment indispensable ? ).
Bref, en alignant inlassablement actus, titres de chansons, de livres, de films et artistes de l'époque, "Laisse tomber les filles" ne ressemble pas à grand chose, surtout pas un roman. C'est juste une sorte de compilation sans grâce et sans âme. Pour moi la nostalgie n'a absolument pas joué...
Merci tout de même à Babelio de m'avoir fait découvrir ce roman.
Et j'ai également découvert une chanteuse yéyé qui m'était inconnue ( comme quoi j'ai appris des choses dans ce livre...exhaustif) : Gillian Hills et dont je ne résiste pas au plaisir de vous mettre le scopitone de son tube : "Zou, bisou, bisou"
Gillian Hills? Je ne connaissais pas du tout!
RépondreSupprimerJe déteste ce genre de bouquins où l'auteur insère sa documentation plus ou moins habilement (et il n'y a pas que ce roman là!)