Rater de voir sur grand écran "Bruno Reidal" vous fera passer à côté d'un double événement : la naissance conjointe de deux futures figures du cinéma français ( c'est un pari, mais si on n'entend plus parler de Vincent Le Port et de Dimitri Doré, ce serait une grave injustice) et, évidemment un excellentissime film français.
Le sujet pourrait se résumer à un titre glauque que le Petit Journal ( feuille de chou conservatrice des années 1800/1900) a peut être imprimé en 1905: Un jeune séminariste décapite un petit garçon.
De ce fait divers réel, pour son premier film, Vincent Le Port signe une oeuvre fascinante. De ce sujet aux fondements sordides, autour d'un meurtrier dont le crime ne peut ( et a été à l'époque jugé ainsi à l'époque) qu'être celui d'un fou furieux, le réalisateur nous livre une sorte d'enquête psychanalytique tendant aux spectateurs un miroir qui les fait s'interroger au plus profond d'eux-même. Sans jamais prendre parti, aidé par la voix off de ce jeune homme reprenant les textes qu'il avait écrit à l'époque à la demande des médecins qui l'interrogeaient sur son crime, le film déploie un éventail d'éléments qui ne cherchent pas à excuser ce geste ignoble, mais l'éclaire plutôt de nuances. A l'écran, la mise en scène suit sans faillir les propos tenus, qui, sous une apparence classique, inspirée par les oeuvres de Corot ou de Courbet ( on n'avait pas vu de si beaux plans depuis "Portrait d'une jeune fille en feu") permet d'inclure dans une intense réflexion une part de beauté, certes mâtinée de sordide, mais rendant le récit aussi passionnant qu'intriguant.
Le film n'aurait pas cette puissance s'il n'avait pas un interprète tout simplement fabuleux en la personne de Dimitri Doré dont c'est le premier rôle au cinéma ( mais a fait beaucoup de théâtre). Signe du destin, il avait au moment de son casting la même taille et le même poids que Bruno Reidal lors de son arrestation. Mais les mensurations ne font rien au talent. Disons pour situer cette apparition à l'écran qu'elle suscite le même enthousiasme que celle d'Isabelle Huppert dans "La dentellière" ( avec qui il vient de tourner son nouveau film).
En cette période morose, le thème de "Bruno Reidal" n'invite pas vraiment à prendre son billet... Pourtant, voir un beau, un passionnant, un grand film d'un vrai auteur avec une future star, ça vaut vraiment le coup car sous cette noirceur se dégage un vrai joyau qui comblera l'esprit et la réflexion...
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