C'est une tranche de vie avec hôtesse de l'air et mère décédée, filmée en partie avec un Iphone, un peu à l'arrache. Du ciné français non formaté pour amateur de petite production bancale mais sympatoche ? Pas tout à fait car, très vite on s'aperçoit que le film a été pensé dans ses moindres détails. En plus de brosser le portrait très fin d'une jeune femme de 26 ans, le récit distille tout un discours subtil sur les apparences d'une société qui n'en a rien à foutre des humains qui la composent. Bye bye empathie et bienveillance, termes balancés à tout bout de chant dans les concepts managériaux d'entreprise qui n'en ont justement rien à foutre, tant ils sont là pour camoufler l'exact contraire de leurs agissements. Bonjour rendement, fric, respect débiles de règlements visant la rentabilité et appliqués par des employés que l'on sent plus proche du burn out, qui de guerre lasse finissent eux aussi par plonger dans cette vie faite uniquement d'apparences.
Le film se divise en deux parties distinctes. La première se concentre sur la vie au travail de Cassandre, future chef de cabine d'une compagnie aérienne low cost que l'on suit également lors de ses moments de repos à Lanzarote où elle est obligée d'habiter ( un lieu aussi impersonnel que possible, cubes de béton minables mais sous le soleil). La deuxième se déroule sous une grise Belgique où la jeune femme va renouer avec sa famille qui gère comme elle peut le deuil d'une mère décédée dans un accident de voiture. Si ce retour dans le giron familial peut apparaître plus psychologique, permettant à l'héroïne de retrouver quelques vraies valeurs, la société se camoufle dans les coins et continue à en avoir rien à foutre d'une enquête sur l'accident maternel tout en veillant encore et toujours à ce que les apparences, la vitrine, régissent la vie de ces êtres.
Cassandre, c'est Adèle Exarchopoulos, qui, il faut le dire, le redire, est absolument exceptionnelle dans ce rôle. La caméra ne la quitte quasiment jamais, la filmant plein cadre, traquant la plus petite émotion, tout en veillant à ne jamais la salir, voire l'érotiser ( alors que la société le lui demande). Nous sommes vraiment en empathie avec elle ( nous sommes bien les seuls !...ou presque) et nous ressentons au plus profond le mépris de ce capitalisme qui n'en a rien à foutre des humains auxquels il s'adresse. Dans les nombreuses scènes fortes du film, s'il fallait en retenir une seule, je choisirai, dans le premier tiers du film, ce dialogue téléphonique avec un centre d'appel Orange, moment de bascule où Adèle Exarchopoulos, intense d'émotion, hisse soudain ce premier long-métrage vers des sommets qu'il ne quittera plus.
Film à petit budget, "Rien à foutre", remarquable d'acuité sur nos vies d'apparence, est une très agréable surprise dans un cinéma français trop formaté et donne un réel sentiment d'espoir pour l'avenir, de ces cinéastes comme de la vie en général puisqu'il existe encore des humains de (très ) bonne volonté.
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