Si le dépaysement du titre peut se comprendre pour le jeune héros idéaliste du roman, parachuté tout droit de son Bordeaux bourgeois dans un gros bourg auvergnat, pour le lecteur, c'est une autre histoire, puisqu'il se retrouve soudain face à un récit lu des dizaines de fois ...mais il y a quarante ans.
Bien sûr, un lecteur trentenaire, n'a pas connu ces nombreux romans ( nommés bien souvent "de terroir") qui mettent en scène un(e) jeune enseignant(e) parachuté(e) dans une campagne profonde et qui va devoir, pour mettre en pratique sa pédagogie, lutter contre les habitudes de villageois encore sous l'emprise idéologique d'un curé ou l'extrême méfiance d'une population face à une jeune personne instruite. Depuis la loi de Jules Ferry de 1882, la littérature s'est emparée sans discontinuer durant tout le 20 éme siècle dernier de ce sujet pour garnir les étals des libraires, de "La gloire de mon père " de Marcel Pagnol au "Le tour du doigt" de Jean Anglade, entre autres mais aussi d'un best-seller des années 70 "La soupe aux herbes sauvages" d'Emilie Carles qui, bien qu'étant un livre de souvenirs, raconte, comme dans le nouveau Clément Bénech, l'arrivée d'une jeune enseignante dans un village paumé et dans lequel elle va appliquer une pédagogie toute nouvelle et révolutionnaire, non pas Montessori ( les bobos n'existaient pas encore pour croire qu'il s'agit d'une vraie pédagogie) ) mais celle, bien plus originale de Célestin Freinet.
En 2023, le héros d'"Un vrai dépaysement" a été vaguement modernisé ( pas son nom puisque portant un patronyme très roman de gare des années 30 : Romain d'Astéries) et là où les auteurs d'avant préféraient un ton plus docte voire un poil dramatique, Clément Bénech lui choisit un ton plus sarcastique, plus humoristique pour nous trousser un roman d'un autre âge.
Il est très difficile de croire à son jeune bourgeois, devenu enseignant par idéalisme, bourré d'idées de pédagogies nouvelles qui n'en sont pas car datant d'un autre âge ( époque années 70) et difficilement applicables dans le contexte actuel même face à des élèves de région reculée. Il est tellement insupportable dans sa naïveté que l'on entre tout de suite en empathie avec ce qui est son ennemie ( la principale du collège), personnage haut en couleurs et à qui l'auteur réserve des dialogues cinglants assez jubilatoires.
Le reste de l'intrigue relève du roman banal, avec happy end évidemment.
Dans cet univers de clichés, certains trouveront peut être un moment de lecture agréable car très facile. Les autres seront surpris qu'un jeune auteur que l'on dit prometteur et dans le vent puisse écrire un roman aussi vieillot et aussi daté.
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