mardi 8 septembre 2020

Le goût de la viande de Gildas Guyot




La première question que l’on se pose bien avant de refermer « Le goût de la viande » : En quoi est-ce un polar? Peut-on classer dans ce genre la vie d’un rescapé de la guerre 14/18, que l’on prend au moment où il ressort d’un tas de cadavres pourrissants jusqu’à sa mort, âgé et ayant gardé intact son goût pour la viande ? Entre temps se sera déroulée une vie de gueule cassée qui  dissimule un traumatisme bien compréhensible après quelques années dans les tranchées, doublé d’une obsession pour la pourriture et les rats après en avoir manger pour survivre. Pas de crime, pas de suspens apparent, encore moins d’enquête, rien qui évoque de près ou de loin un polar. Bien sûr, si on cherche bien, on pourrait raccrocher ce roman à ces thrillers qui s’ingénient à accumuler les détails ( ou les tueurs) plus que sadiques car « Le goût de la viande » recèle des passages qui peuvent soulever le cœur de lecteurs délicats. Mais est-ce suffisant ? Non. Mais si on est attentif à l’histoire, on trouve bien, sous-jacent, un suspens existentiel : Quand la mort v8iendra-t-elle délivrer ce pauvre homme de cette vie difficile ? 

Une chose est cependant certaine, le roman verse dans un noir très noir. Le propos est sans concession, totalement dénué de douceur et les quelques coups de chance dans la vie du personnage l’amèneront toujours à s’enfoncer encore plus profond dans le malheur. 

Accompagné d’une superbe écriture, nous plongeons dans les tréfonds d’un homme tourmenté par son passé de soldat, portrait universel et sans filtre de millions d’hommes étant revenus d’un conflit guerrier et dont le silence cache tant bien que mal un traumatisme intérieur. Ce voyage est loin d’être facile tant la noirceur et les obsessions du personnage peuvent dérouter et, accessoirement, questionner sur le fait d’écrire de telles horreurs qu’il est possible de percevoir comme un peu gratuites. 

Ce roman noir, difficilement classable, maîtrisé de bout en bout, ne laisse pas indifférent et peut déranger. Âmes sensibles s’abstenir. 


 

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