lundi 7 février 2022

Les nus d'hersanghem de Isabelle Dangy


Loin des sujets à la mode ( ceux censés faire vendre et montrer combien un auteur est de son temps...donc en ce moment, l'inceste, la violence faite aux femmes, les migrants), il est bon de trouver un roman ambitieux loin de ces terrains par trop labourés. En fait" Les nus d'hersanghem" apparaît comme une vraie pépite originale, ambitieuse, passionnante, que l'on lit d'une traite mais que l'on regrette de quitter. 
Isabelle Dangy n'a pas écrit un essai sur Georges Perec pour rien, tant son deuxième roman pourrait tout à fait être un hommage au grand écrivain, évidemment à "La vie mode d'emploi" en plus court et beaucoup facile d'accès. Cette façon de nous faire pénétrer dans une ville par ses bâtiments et les personnes qu'ils renferment y fait fortement pensé. 
Hersanghem, ne cherchez pas, n'existe pas. C'est une création de l'auteure et ça pourrait être n'importe quelle ville de France. Sans doute au moins une grosse sous-préfecture ( elle possède un  tribunal), la ville nous est présentée par une belle journée d'été, un jour de grande braderie. On la sent assez touristique grâce à un certain patrimoine historique, cerclée de vignes, un peu touristique, essayant de s'ouvrir vers la modernité et renfermant quelques secrets. Nous naviguons au gré des envies de la narratrice, de la piscine  municipale à la pharmacie vieillotte tenue pas deux soeurs, de l'imposante bâtisse moderne noire qu'est le tribunal au parking souterrain de la grande place ( noire elle aussi). On y rencontre des habitants dont nous connaîtrons quelques moments cruciaux de leur vie mais aussi leurs pensées. Chacun est un petit roman à lui tout seul et peu importe que l'on saute de l'un à l'autre au gré de la fantaisie d'Isabelle Dangy, tout est parlant, intriguant, passionnant. On pourra les recroiser quelques pages plus loin, car, bien qu'illustrant parfaitement cette ultra moderne solitude actuelle, ils ont quand même quelques interférences sociales. 
Ce qui pourrait s'apparenter à une sorte de guide touristique endiablé qui n'oublie pas les habitants de la ville qu'il décrit, se double d'un petit suspens évoqué à la fin de chaque description de lieu mais surtout se triple d'un défi oulipien ( qui donne le titre au roman). En effet, dans chaque chapitre, il y aura au moins  un personnage nu, que ce soit un dessin sur un mur, une jeune fille se rhabillant dans un cabine de la piscine municipale, un mort sur sa table de thanatopraxie, une dame attendant ses invités pour fêter son anniversaire de façon libertine, ... Et comme Isabelle Dangy à de l'imagination à revendre, disons que cette nudité va crescendo... 
Vous l'aurez compris, il n'y a pas que Houellebecq ou Lemaître en ce moment, il y a ce formidable roman ludique et remarquablement bien écrit,  classiquement certes, mais dans une langue, légère, précise et toujours un poil humoristique. Cela aurait pu s'intituler "La ville mode d'emploi", mais tel que titré, " Les nus d'hersanghem" se révèle comme la pépite de cette rentrée qui, espérons-le, trouvera le public qu'il mérite! 

 

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