lundi 14 février 2022

Vous ne désirez que moi de Claire Simon


Non ce n'est pas ( du tout) la comédie de la semaine, même romantique, c'est encore moins un film d'action ( pléonasme!), juste la transcription à l'écran de deux conversations d'une journaliste avec le compagnon d'une grande autrice française. Lui, c'est Yann Andréa de trente huit ans le cadet de Marguerite Duras chez qui il vit depuis deux ans. Il accepte de se livrer à Michèle Manceaux, journaliste à Marie-Claire, voisine et copine de l'écrivaine. Deux longs plans séquences composent principalement le film coupés parfois par quelques incursions en extérieur, quelques archives sur Marguerite Duras, courts extraits de films et quelques aquarelles. Quel intérêt de faire cela au cinéma, puisqu'il s'agit d'un quasi monologue ? Le théâtre n'est-il pas le lieu le plus propice pour ça ? La réponse, en voyant le film est évidente : Rendre avec autant d'intensité ce témoignage extrêmement troublant tout en sentant la présence de Marguerite Duras voire même évoquer son cinéma, son oeuvre si caractéristiques, prouve que Claire Simon a réussi parfaitement l'exercice et trouve bien sa place sur un écran. Car qui mieux qu'une caméra et un grand écran pour voir, ressentir toutes les nuances, les hésitations, les mouvements significatifs de bouche, de mains qui donnent à ce face à face toute sa force grâce à deux comédiens extraordinaires ( Une formidable Emmanuelle Devos écoute et reçoit cette confession d'un Swann Arlaud prodigieux) ? 
Evidemment le film ne se résume pas, loin de là, à une simple performance d'acteurs. Le texte de cette interview, mis en relief, parle de passion, d'amour, de possession et ne concerne pas que les fans de l'écrivaine ( même si se dresse en creux un sacré portrait). De façon certes plus intello, il fait écho au film de Carine Tardieu "Les jeunes amants" en traitant d'amours entre une femme âgée et un jeune homme, mettant en évidence de façon très douce ( aquarelles)  mais réellement frontale la sexualité quasi débridée du couple. A l'époque des faits Yann Andréa passait plutôt pour un homme de compagnie pas pour un amant surtout qu'il était homosexuel. Le témoignage relaté ici, navigue dans des zones obscures pas souvent explorées, surtout dans la bouche d'un homme, mâle qui aurait pu être dominant et qui se retrouve totalement vampirisé, modelé, façonné par Marguerite Duras. Comme il est intelligent, il sait exprimer cet état, son amour intense pour cette femme qui lui fait subir des violences conjugales ( coups donnés sous l'emprise de la boisson mais aussi emprise psychologique) qui, pour lui, pour eux, sont le résultat logique de leur passion et rend aussi bien plus flous les notions d'homosexualité, de sexe, de désir. 

Mettre en image ce texte magistral relevait de la gageure et Claire Simon réussit l'épreuve avec intensité, subtilité, épaulée par deux comédiens à tomber. Bien sûr si on ne connaît pas trop l'oeuvre de Duras, si les questionnements autour de l'amour, du sexe et la passion ne font pas partie de vos fréquentations habituelles, nul doute que vous trouverez le temps long ( moins que dans les films de Marguerite), mais le voyage vaut le coup, rien que pour Swann Arlaud qui pourrait effacer pour longtemps la vraie image de Yann Andréa, tellement il fait vivre ces ( ses) mots. 



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