lundi 14 novembre 2022

Pacifiction, tourment sur les îles de Albert Serra


Pour ceux qui s'étaient copieusement rasés lors de la projection des précédentes oeuvres d'Albert Serra ("Liberté" et "La mort de Louis XIV") et qui ne voudraient en aucune façon renouveler l'expérience avec un film du réalisateur catalan, peut être que cette fois-ci le charme étrange et lancinant du réalisateur opérera quelques magies sur vous, comme peuvent le faire les îles polynésiennes. 
 Les costumes historiques remisés au placard, place aux tenues en lin blanc, aux chemises fleuries voire même aux éclats métalliques ( Sergi Lopez...qui n'a strictement rien à faire ni à dire, sauf apparaître dans un coin de plan.... vacances sans doute aux frais de la production), "Pacifiction" passe du côté de la contemporanéité. Par contre, l'élément nocturne déjà tant exploré par Albert Serra continue à hanter le film. 
Pourtant "Pacifiction" débute de façon solaire, avec des images quasi touristiques, évoquant le plaisir de vivre dans des îles ensoleillées. Au fil des balades d'un haut commissaire ( Benoit Magimel)  sur ses terres polynésiennes, nous avons droit, à la fois à un portrait très nuancé de cet homme représentant la France avec discours très politiques allant du verbiage idiot à celui plus inspiré d'un homme maniant avec bonhomie clientélisme et chaleur humaine et à une sorte de résumé touristique de Tahiti, ses plages au soleil couchant, ses grandes vagues pour surfers, sa douceur de vivre sous une végétation luxuriante, sa fluidité du genre et du sexe. Le film prend évidemment le temps de planter ce décor tout en instillant au fur et à mesure une légère ironie qui va se transformer en inquiétude car tout n'est pas rose sous les palmiers. 
Nous sommes très très loin des fictions habituelles, prémâchées pour spectateurs habitués aux séries. Le réalisateur fait appel à l'intelligence ( sans doute aussi à la patience ) de son public, car c'est petit à petit que l'intrigue s'installe, tout en finesse, sans effets appuyés. Pour donner une idée du film, imaginez que vous embarquez sur une lente spirale descendante qui, partant de la surface ensoleillée, va progressivement s'enfoncer vers les ténèbres. Nous découvrons au final un film politique, un thriller glaçant, aux personnages tous au bord de l'abîme. 
C'est long ( 2h43) , c'est lent mais si l'on se laisse gagner par l'atmosphère unique de ce film, vous sortirez de la salle en vous disant que vous avez vu une des meilleures propositions cinématographiques du moment, exigeante certes mais ô combien passionnante. 



 

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