mardi 1 novembre 2022

Le doute de Basile Panurgias


Le monde littéraire français a la tête près du bonnet. En plus de cultiver un très gros entre-soi, chaque petit ou grand problème de leur vie, qui un beau-père violeur, un mari violent, une mère folle, une soeur incestueuse, un collègue pédophile ( je vous laisse replacer les titres qui vont avec les énoncés ), fait l'objet d'une parution. Si le livre fonctionne, on panse le problème, le traumatisme, par une rentrée d'espèces sonnantes et trébuchantes en plus d'une vie médiatique intense promesse d'autres écrits peut être pourvoyeurs de fonds. Camouflés derrière les formules toutes faites " Je témoigne pour faire avancer la société", " Je dénonce pour aider les autres à parler", ... pas vraiment fausses non plus mais  légèrement teintées de cynisme, les au-trices-teurs, ne semblent avoir aucune interrogation sur ce procédé. Je publie donc je suis. 
C'est sur ce registre que surfe "Le doute" de Basile Panurgias, auteur pas vraiment connu ( au moins pour moi) qui, si l'on en croit Wikipédia, semble zoner dans le milieu culturel auprès de grands noms car ami avec  Bret Easton Ellis ou le cinéaste Whit Stillmann mais aussi Jean-Claude Arnault, sujet de ce livre. 
Peu connu lui aussi du grand public, Jean-Claude Arnault est une sorte de mythomane qui a réussi sans talent précis sauf celui de l'entregent ( on le dit vaguement photographe), à se faire une place dans le milieu culturel suédois. En épousant une poétesse locale mais très estimée puisque membre du jury du prix Nobel de littérature, il aura un certain pouvoir ainsi que de substantiels avantages. Comme quelques hommes en vue arborant une mentalité de bellâtre, en 2017 il sera au coeur d'un scandale qui empêchera le prix Nobel de l'année suivante d'être attribué. Accusé de viol par une bonne dizaine de femmes, condamné à 2 ans de prison ferme, son aura disparaît. "Le doute", s'inscrivant parfaitement dans l'ére #MeToo, est à la fois une enquête personnelle sur cette affaire, une lettre adressée à cet ami ( relation, copain ? ), un questionnement sur la masculinité et un reportage sur le prix Nobel et la société littéraire suédoise. 
Est-ce par un certain voyeurisme de lecteur, mais le livre se lit avec plaisir et intérêt, peut être plus si l'on est un mâle. Basile Panurgias, se penche sur tous les tenants, aboutissants, répercussions de cette affaire qui touche un de ses proches. Il s'interroge sur sa réaction de rejet vis à vis de cet homme, sur la portée du mouvement #MeToo sur un certain nombre d'oeuvres passées ( "Blow up" entre autre) mais aussi sur ses rapports antérieurs avec les femmes qui, avec notre nouveau regard contemporain auraient pu être déplacés, violents, ... On pénètre également  dans les coulisses du prix Nobel de littérature qui n'ont rien à envier à celles de nos prix locaux. Tous ces thèmes sont en plus éclairés par de petits rappels historiques ( tant sociétaux que politiques) qui donnent une vraie densité à ce livre. Et comme la plume de l'auteur est habile, tout cela se lit sans difficulté et avec plaisir. Restent deux questions : Comment Jean-Claude Arnault prend-il cet ouvrage puisque l'auteur n'a jamais pu lui dire ce qu'il pense ? Et ... ok, c'est mesquin de ma part, Basile Panurgias va-t-il en tirer quelques subsides, voire un peu de gloire de cet essai très germanopratin ? 

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