mardi 22 novembre 2022

Saint Omer d'Alice Diop


Représentant la France aux Oscars, doublement primé à la dernière Mostra, couronné du prix Jean Vigo, "Saint Omer" ne peut que, voire doit, susciter l'unanimité. Pourtant, en sortant de la projection, quelques interrogations peuvent  s'emparer du spectateur autour de son propos mais aussi de sa narration.  
Rien à redire sur les thèmes abordé, des questionnements sur la maternité à la justice qui depuis la nuit des  temps ne traite pas les femmes à égalité, ils sont universels et toujours d'une brûlante actualité. L'affiche n'est pas trompeuse, c'est bien un film de prétoire auquel on assiste. Nous suivrons une jeune femme qui assiste à un jugement. Figure assez silencieuse, elle semble n'être là que pour permettre à la caméra de sortir du tribunal et nous aérer un peu. Ses interrogations sur son futur de mère ( "Et si j'étais comme elle ( l'accusée) ?", légitimes, ne sont guère convaincantes tant elles semblent platement plaquées en regard de la partie essentielle du film, le jugement de cette mère infanticide. 
Alice Diop ne cherche pas à révolutionner le genre du cinéma judiciaire. Elle semble vouloir rester  réaliste tant les premières scènes, quasi documentaires, nous plongent dans le réel d'une audience de la cour d'assises. Mais ce qui l'intéresse la réalisatrice, c'est de faire passer des messages et a la ferme intention d'être entendue.
Le premier, liquidé dans une première scène impeccable, impose une femme noire que nous découvrons prof de fac, faisant un cours sur l'épuration en France à la fin de la seconde guerre mondiale et notamment sur les femmes tondues. S'amorce ensuite un deuxième message, celui que la justice réserve aux femmes en général mais qui ne sera qu'en filigrane durant tout le film lequel va plutôt  s'intéresser essentiellement  à une mère infanticide et à essayer de comprendre comment une femme peut en arriver à cette extrémité ( quelle soit noire n'a quasi aucune importance). 
Sous le regard de la prof de fac de la première scène présente dans le tribunal ( avec comme fil introducteur la peur que, parce qu'enceinte, elle pourrait devenir mauvaise mère, voire infanticide), nous suivrons le procès de Laurence, jeune femme noire qui a tué son enfant de 15 mois. C'est apparemment le thème central du film, une recherche introspective sur ce crime atroce. Et c'est sans doute ici que le film ne tient pas tout à fait ses promesses. Alors que le début du procès se rapprochait du documentaire tant la mise en place s'avérait précise, bien vite, la réalisatrice prend un chemin beaucoup plus cinématographique, place des effets, opère des raccourcis ou permet des échanges assez éloignés de la vraie procédure judiciaire. Le film devient un poil manichéen, voire mélo dans le final larmoyant. Etrangement, nous n'entendrons que peu les témoins de cette sordide affaire, quasiment pas l'avocat général, nous resterons sur les interrogations très empathiques de la présidente et sur les ( très belles) envolées de l'avocate de la défense mais aux conclusions un peu simplistes. Pour une réflexion forte sur l'infanticide, on devra repasser et pour le verdict aussi car on n'en saura rien. Par contre pour imposer un chemin  lacrymal, Alice Diop n'hésite pas à en rajouter, filmant des visages inconnus en larmes après les paroles de défense,  indiquant bien au spectateur, que c'est là qu'il faut pleurer sinon, il va passer pour un coeur sec... 
Si le fond du film laisse un peu perplexe ( tout ça pour juste ça?!) , force est de reconnaître que le film a de la gueule ( du moins dans la partie prétoire, parce que les interrogations prétextes de la prof de fac sont quand même sans grand intérêt). Avec de longs plans fixes, formidablement cadrés et surtout trois comédiennes exceptionnelles, Guslagie Malanda, Valérie Dréville et Aurélia Petit, l'intensité est bien là et justifie sans doute tous ces honneurs et arrivent à occulter un propos finalement bien conventionnel. 








 

1 commentaire:

  1. Rebonsoir Pierre, c'est en effet toutes les scènes dans le prétoire qui sont passionnantes car le reste n'a pas d'intérêt et je me suis demandé ce que venait faire les femmes tondues à la libération et le texte de Duras. Bonne soirée.

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