Kornel Mundruczo possède déjà le talent de nous proposer à chaque fois des thèmes peu exploités au cinéma tout en changeant de genre. Après un film symbolique et un peu horrifique avec chien ( "White God") et un autre mystique et tout aussi symbolique autour de l'histoire d'un homme qui lévite ( "La lune de Jupiter"), le voici qu'il s'attelle à un sujet très sensible : la vie après la perte d'un enfant qui meurt à la naissance.
"Pieces of a Woman" a été produit et tourné en Amérique du Nord et force est de constater que le réalisateur hongrois réussit son passage de l'Atlantique. Il a su garder son côté cinéaste inventif et punchy, conserver ses envies de symboles tout en se fondant avec l'imagerie du film qui lorgne les oscars ( sujet sociétal avec images grises et verdâtres).
Pour bien marquer son coup, on ne pourra qu'être scotché par la première prouesse du film, ce long plan séquence d'une vingtaine de minutes, assez éprouvant, racontant l'accouchement de l'héroïne Martha. Evidemment, 26 mn pour accoucher c'est très rapide, mais, ici c'est un temps de cinéma dont on oublie très vite le côté factice pour être entièrement pris par l'action. Par la suite, le film décrira l'impact du drame sur la vie du couple et de ses proches et s'attardera sur la mère bien sûr, avec un mélange de réalisme cru et de métaphores, marque de fabrique du réalisateur, ici un peu tirées par les cheveux ( les pommes) ou un peu lourdes (la construction du pont). N'évitant aucune piste, en rajoutant peut être un peu trop avec le passé de bébé juif de la mère, "Pieces of a Woman" se permet une petite critique sur le pays qui l'accueille, son attrait pour le fric et la judiciarisation du moindre événement. L'ensemble, porté par Vanessa Kirby très émouvante en mère perdue et essayant de se reconstruire, accroche son spectateur durant plus de deux heures malgré ce sujet redoutablement triste.
Est-ce le manque actuel de cinéma qui fait apparaître ce film comme bon malgré son visionnage sur un écran de téléviseur ? Sans doute pas, car, ce qui apparaît comme une production Netflix, n'est en fait qu'un achat du géant américain après la projection du film à Venise en septembre dernier et donc un objet filmique nettement moins formaté que les habituelles productions maison offertes au public. Une vraie oeuvre de cinéma donc, qui mérite un vrai coup d'oeil.
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