Bienvenue dans la famille Popper ( attention, pas d'S à la fin, alors que s'il y en avait eu, la lecture aurait pu être plus facile à passer). La narrateur Jean, célibataire, plus ou moins en relation avec une ex pourvue d'un enfant un peu différent, sa soeur Nana et un frère ainé, Serge donc, admiré depuis l'enfance mais surtout hâbleur, décident sous l'impulsion de Joséphine ( la fille de Serge) de visiter Auschwitz et Birkenau. Ces éléments d'une famille juive non pratiquante vont plus s'éprouver entre eux que se confronter à l'Histoire. Et puis la vie suivra son cours pour ces adultes, soixantenaires vieillissants, qui voient la mort leur faire signe de loin.
Yasmina Reza n'a pas son pareil pour décrypter et surtout coller son esprit de dérision sur tous nos travers d'occidentaux nantis. Elle nous l'a souvent prouvé au théâtre mais aussi dans ses romans ( "Heureux les heureux" entre autre). Virtuose du verbe, voire d'une petite complexité narrative, si le verbe fusait, si le regard perçant épinglait, souvent ( tout du moins dans ses romans) le procédé de fabrication l'emportait sur l'intrigue.
Cette fois-ci, en resserrant son intrigue autour des membres d'une même famille et en appliquant son envie de toujours de jouer avec le politiquement correct, le roman partait sur de bons rails. Hélas, trois fois hélas, rien ne fonctionne là-dedans. La famille, pas mal recomposée, décomposée, en plus de perdre le lecteur avec l'ajout de tierces personnes qui tombent comme un cheveu sur la soupe ( souvent sans intérêt, juste celui de placer un vague bon mot) n'est brossée qu'à gros traits. Aucun membre n'est réellement sympathique passé à la moulinette Reza, mais personne n'a non plus de vraie épaisseur. Du coup, l'intérêt faiblit malgré quelques courtes piques ou remarque cinglante ici ou là. Et que dire du climax du roman, ce fameux sommet de politiquement incorrect qu'est le tour de force de faire de l'humour à Auschwitz. Ben rien. Plat. Sans saveur. On peut juste y voir, glissée parmi les dialogues plats des protagonistes ( un comble pour cette autrice célébrée au théâtre), une vague dérision sur le tourisme de masse. On a l'impression de lire un guide touristique sur les camps ( toujours bon de rappeler l'horreur) mais entrecoupé des réflexions insignifiantes, jamais déplacées car totalement banales. On pourra, au mieux, trouvé ce décalage bien vu, montrant ainsi comment face aux vestiges d'un génocide, l'égoïsme actuel reste plus fort. Mais sur une centaine de pages assez répétitives, c'est long et surtout très improductif.
Après leur visite touristique, les protagonistes reprendront leur vie ( dont on se fiche totalement maintenant). A coup de Lara Fabian ou de Thomas Bernard ou d'Edgar Poe, ils verront la mort s'approcher, comme tout un chacun, mais sans que cela n'influe sur leur intérêt, tant tout cela se trouve dissout dans un verbiage voulu brillant mais assurément sans âme.
Voici donc un roman fort vanté dans nos médias qui font l'opinion mais dont on peut absolument se passer tant on trouvera ailleurs ,sur les étals des libraires, des ouvrages autrement plus passionnants, intéressants, ou incisifs.
PS : Il n'y a aucune critique de professionnel qui ne s'extasie pas sur ce roman. Tout le monde du Figaro à Libération encense, glorifie, s'extasie.... Mais si on lit bien ce qui est écrit, chacun vante, qui un bon mot ( "son petit champagne"), qui une remarque formidable ( l'absorption de plastique par jour égale à une carte bancaire), qui une phrase bien sentie, à la limite une réflexion sur la place du héros dans une fratrie voire le vieillissement. Ce ne sont que des détails perdus dans ces 232 pages ( sans chapitres). Quand on s'est cogné ce "Serge" en entier, on dirait qu'ils n'ont lu que quelques passages ( soigneusement choisis)... qui ne sont jamais le reflet exact de ce roman.
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