230 pages plus loin, qu'est-il arrivé à Arthur Dreyfus ? Grindr tourne à plein, les rencontres se sont succédées, nombreuses, pas toujours satisfaisantes, mais toujours décrites sans complaisance. D'ailleurs l'auteur s'interroge à un moment sur le côté exhibitionniste de son projet. Je peux le rassurer, il pose le regard exactement où il faut. En tant que lecteur, nous vivons bien une autre vie que la mienne sans que jamais nous ne soyons l'otage de ses désirs ou de ses fantasmes. Les descriptions de plans culs qui composent l'essentiel de l'ouvrage, très naturalistes, sont composées de façon très intelligente, mélangeant sociologie du quotidien, intérêt pour les personnes, sentiments de l'auteur, et sexe bien sûr. Au fil des pages, les grosses queues, les fesses plus ou moins bien lavées, les fellations ou sodomies mécaniques deviennent des éléments d'une grande banalité, l'essentiel se trouvant ailleurs, dans quelques interstices plus personnels qui apparaissent au détour d'un geste, d'une phrase, d'une pensée, rendant l'ensemble soudain plus passionnant psychologiquement.
Sinon, bien qu'il ait eu à un moment une baisse de la libido, les plans ont parfois pris une direction nouvelle. Il a essayé quelques rencontres avec de la drogue ( shit) qui l'ont plutôt porté au septième ciel sans qu'il ait eu envie de recommencer ( pour le moment). Il a aussi réalisé le fantasme de la prostitution en se faisant payer pour quelques plans ( et en acceptant des partenaires nettement plus âgés qu'à l'habitude), son corps devenant pour l'intello qu'il est comme une marchandise dont il doit assurer la qualité ( surtout de la prestation). Du coup son regard de narrateur se décale d'un cran, sa réflexion aussi et par conséquence, celle de son lecteur qui, arrivé à ce stade du livre, se trouve maintenant vraiment impliqué.
Sinon, ici ou là, on trouve quelques noms connus, par exemple une citation de Marc Lambron ( totalement anecdotique). Ce dernier, loin d'être un ingrat, s'est fendu il y a quelques jours dans la presse d'une critique enflammée et ampoulée comme à son habitude. Plus intéressant par contre ( parce que plus people ?), Arthur Dreyfus narre avec une grande honnêteté son rapport avec Edouard Louis dont le premier livre s'est trouvé en librairie avec un de ses précédents romans. Sans fard, avec un sentiment de honte compréhensible, il parle de la rivalité née à ce moment là entre les deux hommes qui se connaissent un peu mais aussi de la jalousie que le succès de librairie du grand blond médiatique a fait naître en lui. Si je peux rassurer Arthur Dreyfus, il n'a peut être pas les tirages d'Edouard Louis, mais, et ce journal en est la belle confirmation ( s'il en fallait une), niveau écriture, il n'y a pas photo, c'est bien lui qui a la plus grosse, la plus belle...prose.
Si se plonger (prendre en main devrai-je dire) dans ce gros livre se révèle très agréable grâce au papier bible, les petites phrases énoncées après chaque plan cul, qui au départ donnaient comme une respiration, apparaissent au fil des pages parfois pénibles à cause de cette misogynie constante d'amis gays, très très gays, totalement égocentrés sur leur cul ou leur sexe. Quant à ceux qui pensent pénétrer dans l'intimité d'Arthur Dreyfus, la vraie, ils en seront pour leurs frais. Comme il le précise très bien, alors que naît une relation forte avec un dénommé Anis, "L'intimité est un partage", et dès lors, plus rien ne sera écrit sur le sexe avec ce jeune homme, prouvant bien, que les plans culs le concernant, sont bien des actes physiques sans grande profondeur.
Reste à savoir si par la suite, cette ligne d'écriture, peut être difficile à tenir dans un journal, continuera à être respectée...
( à suivre)
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