Un camion d'ammoniac volé du côté du Havre ne fera guère parler de lui. Si on ajoute quelques cadavres supplémentaires, victimes accidentelles d'une opération qui tourne mal, l'affaire se révèle plus complexe mais ne fera pas long feu dans l'actualité. Il faut l'entêtement du ( pour le moment) lieutenant Nora pour que ce fait divers devienne au fil des années un scandale européen.
L'ammoniac est l'un des multiples composants d'une cigarette ( qui contiennent en plus de la nicotine et du goudron une liste d'additifs impressionnante). Après s'être attaqué à la violence managériale au sein d'une entreprise de phoning( "Les visages écrasés"), Marin Ledun s'attaque avec cet épais roman à l'industrie du tabac et plus particulièrement au lobbying infernal auquel se sont livrées ces multinationales durant les années où la cigarette commençait à faire figure, en apparence, d'ennemi mortel numéro un dans les luttes de prévention contre le cancer et les maladies cardiovasculaires. Le sujet est vaste, bien plus complexe qu'il n'y paraît, mêlant commerce, politique, agriculture et ...gros sous.
Sur ce thème, l'auteur invente ( enfin, on espère) une histoire avec des protagonistes qui se divisent en deux camps : les policiers, teigneux, très, très opiniâtres et les méchants, bien plus nombreux et bien sûr sans scrupules, qu'ils soient lobbyistes, à la tête d'un réseau d'escorts, organisateurs de réseau de contrebande, tueur voire députés divers.... Impressionnant ce que l'argent du tabac peut engendrer comme saloperies en plus d'empoisonner les consommateurs ! Les personnages sont un peu brossés à gros traits, sans trop de nuance et manquent un peu de caractère mais la première partie du roman, nerveuse, sèche, plante bien l'intrigue et accroche le lecteur. La deuxième par contre, sans doute plus complexe, plus internationale, traîne un peu et manque de rythme, sans doute parce que l'histoire se déroulant des deux côtés de la barrière, le lecteur a toujours deux ou trois coups d'avance sur ces pauvres enquêteurs.
Au final, malgré ces quelques bémols, le roman en impose par l'ampleur de sa thématique, par cette description au scalpel du lobbyisme que l'on transpose inévitablement à d'autres secteurs d'activités. La description de ce fléau libéral laisse le lecteur groggy. On peut donc dire que le roman réussit son coup et mérite toute attention du lecteur de polar social et politique.
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