Après la lecture de ce roman pour ados (à partir de 14 ans selon l'éditeur), une question peut se poser : Qu'est-ce qui différencie un roman pour grands adolescents et celui pour adultes ? Le propos me direz-vous... Vous n'aurez pas tort dans le sens où si vous prenez les dernières parutions de ( au hasard dans cette rentrée de janvier) Eric Neuhoff ou Karine Tuil, ces deux auteurs à succès ne vous étonneront jamais, débitant une littérature tiède, essentiellement bourgeoise ( dans les deux cas des problèmes de couple dont depuis des décennies on n'a plus rien à faire) qui surtout ne remuera pas grand chose chez personne ( ou alors chez ceux qui s'émeuvent des scandales d'opérettes nourrissant les chaînes infos). Guillaume Guéraud, si vous vous plongez dans son dernier ouvrage, risque quand même de vous défriser bien plus que le prêchi-prêcha d'une Mme Tuil sur un sujet pas si éloigné, celui d'un jeune en rupture de ban avec notre société ( pourtant si formidable). L'Abdeljajil de la romancière est parti en Syrie, celui de Mr Guéraud nous est proposé sur le point de commettre un attentat. Le premier sert d'enjeu à une pseudo réflexion oiseuse et mode sur le terrorisme ( et le couple bourgeois) quand le deuxième nous plonge à l'intérieur d'un jeune adulte en pleine déroute. L'approche est différente certes, mais c'est surtout le regard que porte l'écrivain sur son personnage principal qui va les distinguer. Le texte de Guillaume Guéraud retient nettement plus notre attention car pas mal éloigné des clichés qui peuvent enfermer ce genre de personnage. Malik, le protagoniste de cette histoire, d'origine algérienne, a, pour faire court, tué un homme lors d'un vol qui a mal tourné. 18 mois de prison après, il est libéré pour bonne conduite ( et très bonnes notes au bac français). Nullement radicalisé en prison, il est pourtant sur le point ce commettre un attentat. Pourquoi ? Comment en est-il arrivé là ? C'est l'enjeu de ce roman. Qu'est-ce qui peut pousser un jeune, pas con du tout, pas religieux non plus, à vouloir commettre un acte irréparable ? On n'aura les réponses que si on veut bien se donner la peine de réfléchir. L'auteur n'assène rien ( même si on sent son petit côté anar pas désagréable en cette période de consensus mou) laissant donc le lecteur se débrouiller avec la situation.
Pour répondre à la question posée au début, il faut savoir que la littérature pour grands ados n'édulcore jamais les thèmes et les propos, la différence est donc ailleurs. On la trouve plutôt dans l'écriture, simple, rapide, sans fioriture, sans effet de style, directe, qui parle d'emblée au lecteur et qui court vite, très vite pour que les pages se tournent ( il faut bien entrer en concurrence avec des loisirs plus faciles que la lecture). A cet exercice, Guillaume Guéraud est parfait, les 158 pages se dévorent et laissent le lecteur à la fois secoué, reconnaissant de nous avoir fait connaître un jeune homme d'aujourd'hui et le faisant s'interroger bien plus que moultes romans sociétaux adultes sur la fracture sociale.
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