C'est l'histoire d'un âne ballotté au gré d'adultes qu'il rencontre. C'est le film d'un grand réalisateur de 84 ans. C'est un plaidoyer pour le monde animal et contre la souffrance que lui inflige les hommes. C'est aussi un portrait sans concession sur notre monde qui va mal. C'est aussi et surtout un film expérimental.
Tout cela mit bout à bout, fait hurler au chef d'oeuvre car un vieux réalisateur qui propose un film novateur dans sa narration et son visuel, avouez que ça a de la gueule.
Sauf qu'à bien y regarder, on peut quand même y trouver des défauts. Prenons le côté expérimental avec filtres colorés et drones rasant, survolant, tournicotant, ça fait son effet au début mais ça finit au bout d'un moment par être répétitif ( oui on a compris, l'écran en rouge, c'est la peur, ça tourbillonne , c'est l'âne qui pense). Mais si vous rajoutez à tout ça une musique assez grandiloquente qui surjoue ces effets, nous sommes très loin du kitsch Disney avec ses films animaliers anthropomorphiques mais c'est un autre kitsch qui surgit, celui d'un épate gogo contemporain tout aussi bourratif. Le scénario ne brille pas par son originalité et les passages d'un propriétaire à l'autre ( avec quelques évasions) recourent à de grosses ficelles que les belles images ( un peu à la Malick si on est de bonne humeur, un peu aussi à la Godard dernière période) n'arrivent pas à occulter. Les cinéphiles vont pouvoir y trouver d'autres références avec en tête évidemment Robert Bresson et son Balthazar mais des passionnés peuvent en dénicher d'autres ( Les cahiers du Cinéma évoquent même Scream) mais ni l'âne Trotro, ni la comtesse de Ségur , ni Francis Jammes ( quoique...) ne semblent cités.
Ce film expérimental mais, assurément très original dans la production actuelle, prend la défense des animaux ( difficilement critiquable) et démontre que tous les hommes sont mauvais ( pourquoi pas ) ...même Isabelle Huppert ! Mais que vient faire notre Isabelle nationale dans cette histoire d'âne ?!?! Figurez-vous que vers la fin du film elle surgit à l'écran dans une scène hallucinante. Exit l'âne qui broute paisiblement dans le pré et vive cette belle mère amoureuse de son beau fils prêtre ! On n'en croit pas nos yeux, ni nos oreilles tant cette scène atteint des sommets de rococo avec en plus une actrice qui joue comme une savate. Le charme, s'il y en avait, un est rompu... Puis on retrouve l'âne qui encore une fois préfère fuir.... On pourrait faire de même...
Pour Jerzy Skolimowski, rien ne vaut la compagnie des animaux et en voyant son film on ne peut pas le contredire. Cependant, regarder mes chats vivre est plus reposant pour les yeux et les oreilles que de regarder son "E O" malgré les références et les messages appuyés. Par contre, pour la geste moderniste et la scène avec Huppert ( parce qu'elle a des chances de devenir cultissime), on peut visionner cette défense du monde animal.
PS : L'affiche est vraiment magnifique !
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