"Plus question de jouir aujourd'hui aux dépens d'autrui." Voilà une des règles cardinales qui figurent dans ce court essai, net et stimulant. Et c'est loin d'être la seule car, sur 60 pages, c'est un petit précis de ce que pourrait être le monde dans quelques années si on se débarrasse de l'androcène, plus clairement le pouvoir des hommes, des mâles dominants, capitalistes, exploiteurs et leurs corollaires violents, violeurs, injustes.
Oh un essai radical me direz-vous. Oui et heureusement, car sinon on n'arrivera pas à s'en sortir. Les trois autrices ne mettent pourtant pas le couteau sous la gorge, elles se contentent de décrire notre monde capitaliste telle qu'il est, injuste, raciste, sans considération pour la nature, faisant acheter ce que d'autres produisent ( "de la mine à la poubelle"), se gargarisant ( les hommes de pouvoir et leurs médias affiliés, pas les autrices) de mots creux qui deviennent des outils de discipline collective ( "croissance", "PIB", "pouvoir d'achat").
Mais elles ne se contentent pas que de recenser tout ce qui pourrit la vie de milliards d'êtres sur terre, elles pointent aussi comment les puissants, avec cynisme, continuent encore plus de conduire notre planète à sa perte, jouant sur les populismes, le passéisme ( comme si on pouvait se réjouir du passé colonialiste, guerrier, ...) pour garder leurs prérogatives. Bien sûr, elles proposent des pistes, des idées pour que le futur deviennent peut être meilleur et se résume en trois mots clefs : "déconstruire", " se réconcilier" et " radicalité".
Alors je vois venir les remarques ( surtout des hommes et de quelques femmes ) "déconstruire" !!!! Sachez juste qu'ici ce terme ne s'attache pas qu'à la réflexion que tout être humain devrait avoir sur la construction sociale et politique qu'est le genre, mais aussi sur un autre pan de nos sociétés : le travail que les autrices appellent à repenser, à réduire, nous libérer de son aliénation ( qui n'est au final qu'une utilisation capitaliste de nos corps ).
Plus doux sans doute est le terme "se réconcilier", essayer de passer de "violence partout, justice nulle part" à marcher avec les autres tout en retrouvant le contact avec la nature. Avec les guerres en Somalie ou en Ukraine ou tous ces débats manipulés et extrêmes qui hantent toutes les démocraties, pas certain toutefois que ce terme ne relève pas de l'utopie, mais qui ne propose, tente rien, n'obtient rien. Et qui sait si à force de climat de plus en plus terrible et de dirigeants de moins en moins humains, la raison ne finira pas par l'emporter ( éternel rêveur...).
Quant à la radicalité, il ne faut plus avoir honte "de désigner nos peurs pour ne plus les subir", c'est être lucide. "La radicalité ne s'oppose pas à la sagesse ; elle s'oppose aux conservatismes" . Ce n'est pas en faisant l'autruche que le monde changera. Alors oui, être radical, c'est aujourd'hui essayer enfin de faire bouger les choses.
Quand on voit comment et combien une des autrices de cet essai est attaquée, vilipendée, par une cohorte de vieux crétins ( de vielles crétines aussi) très passéistes, arc boutés sur de vieilles idées rances et mortifères, force est de reconnaître que la partie n'est pas gagnée.
Alors, quitte à faire grincer des dents, je continue, comme Annie Ernaux, à soutenir Sandrine Rousseau dans son combat et sa formulation simple et donc radicale.
Adélaïde Bon, Sandrine Roudaut et Sandrine Rousseau concluent leur essai avec ces mots : " Nous voulons de l'écologie, du social, de la dignité et de l'égalité, nous voulons diminuer, ralentir, réfléchir, aimer ! Nous accomplir.... Affranchissons-nous des autorités, de nos peurs et de nos croyances d'hier... Prenons le pouvoir, mobilisons-nous, faisons politique, pour construire par-delà. Prenons-le puisque'on ne nous le donnera pas.." Bravo !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire