Le risque pour un roman qui raconte deux histoires bien distinctes mais avec quelques résonances, est d'être déséquilibré si l'une d'elle s'avère moins passionnante que l'autre. Malgré le rythme des guitares et la maestria des personnages tous danseurs de flamenco, c'est ce qui arrive dans "Les danseurs de l'aube" . Difficile de donner du lustre aux personnages actuels du roman, même héros symboliques et involontaires d'un mouvement altermondialiste, face aux danseurs des années 30, ballotés dans la fureur de la montée du nazisme dans toute l'Europe de l'Est. Les premiers sont totalement fictionnels, les deux autres ayant réellement existé. Comme souvent, la réalité, même romancée, l'emporte sur la fiction. On ne peut rien contre les tourbillons d'une histoire terrible comme le ghetto de Varsovie, la Shoah et la montée et l'avénement du nazisme.
Le roman alterne donc les deux histoires, qui se font écho malgré les époques. En plus de l'art de la danse gitano/espagnole, de la situation toujours délicate des roms, parias de populations racistes, un autre point relie ces histoires : le travestissement, voire la fluidité des genres dans laquelle les personnages se meuvent. Et là, sur ce sujet très ancré dans les débats d'aujourd'hui, le roman glisse de façon très, trop pudique. On pourrait penser que c'est une façon d'avoir intégré ces faits en les présentant de façon banale, mais on ressent plutôt une sorte de gêne de la part de l'auteure ( de peur de faire fuir les lecteurs ?), très hésitante à aborder de front ce pan de son récit ( surtout avec le personnage de Luka, dont les interrogations sur son son identité sexuelle, voire corporelle, sont balayées en deux pirouettes).
Si le roman se lit facilement et n'est pas désagréable, surtout qu'il rappelle avec vigueur et raison des faits que l'on a peut être oublié ( ce vent toujours persistant de racismes divers en Europe de l'Est envers certains groupes de populations mais aussi que pas mal d'Allemands avaient résisté durant la deuxième guerre mondiale), on peut le trouver un peu trop léger quant à la profondeur des personnages, plus symbolisés par quelques clichés narratifs ( ils dansent merveilleusement bien, ils sont beaux, ils font preuve d'un courage à toute épreuve) que par la réelle ambigüité qu'ils dégagent et qui ici n'est jamais exploitée.
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