Et voilà, 10% de cet imposant pavé de lus, soit 232 pages ( sur 2304) et donc une première série d'impressions.
Tout d'abord, première originalité, le journal n'est pas daté. Si on connaît un peu les différents travaux de l'auteur ( livres, mais aussi, radio, cinéma, photographie, chanson), tout se déroule à notre époque dans les années 2010 ( 2015 pour ce début puisqu'est évoqué le roman d'Alice Zeniter "Juste avant l'oubli" ).
Il s'agit bien d'un journal sexuel mais pas que...ou presque. Arthur Dreyfus, proche ou juste trentenaire, vit avec Bord Cadre, un garçon peut être musicien. Mais notre auteur aime rencontrer d'autres garçons plus jeunes que lui, majeurs (ou pas loin) et si possible fluets, minces. Pour cela, il utilise l'application Grindr ( le Tinder version gay) mais d'autres aussi. Il en rencontre beaucoup, enfin me semble-t-il, puisque parfois les plans culs se succèdent dans une journée. Niveau sexe, Arthur aime tout, les basiques ( branle, fellation, anulingus, sodomie) mais ne rechigne pas à de l'ondinologie, des plans à plusieurs voire au fist, seules les caresses sur ses tétons semblent ne lui procurer aucun plaisir. Il rêve aussi d'être dominé car se sent plus passif qu'actif. ( Si certains termes vous échappent, n'hésitez pas, soit à vous plonger dans le pavé d'Arthur qui est un véritable catalogue, précis, documenté de la vie gay, ou sinon allez sur le net).
Le journal se présente toujours comme suit : un plan cul raconté de façon factuelle, réaliste,. Le lieu est décrit, en n'omettant jamais de tracer un portrait rapide et social du ( des) partenaire(s) toujours nommés par un surnom. Puis suivent des remarques glanées ici ou là, venant le plus souvent de proches gays ( eux aussi apparaissant sous la forme d'un surnom) ou de sa mère, son analyste aussi, également des phrases lues sur l'appli Grindr, mais aussi de grands noms ( souvent gay mais pas que ....Barthes, Foucault, Kafka, Cicéron, ...), de courtes pensées personnelles. Parfois apparaît un poème...
Après 230 pages de ce régime, disons, qu'une petite pause s'impose. Sans que ce soit réellement répétitif, la plume et le regard d'Arthur Dreyfus évitent les redites même si ces plans culs se déroulent quand même, souvent, de la même façon. Ce qui peut se révéler intéressant dans ces récits sexuel, c'est d'interpréter entre les lignes les désirs, le questionnement de l'auteur face à cette addiction. Oui, il aime multiplier les rencontres, parfois très rapides, mais au-delà du sexe, ce qui finalement l'intéresse le plus, ce sont les mots ( on n'est pas écrivain pour rien). Au delà du physique, de la taille d'un sexe ( important chez lui), on sent à la lecture que les meilleurs coups sont ceux où il y a eu un vrai dialogue entre les partenaires et surtout s'il est tombé sur quelqu'un de cultivé. Il a besoin de cette fraternité intellectuelle pour avoir plus de plaisir. Mais rares sont les moments qui le font grimper au plafond. Combien de mecs pas nets, imbus, timorés, simplets, crades, indifférents, absents, mécaniques avant de tomber sur une personne qui ne soit pas juste un sexe? Pour le moment deux tout au plus.... Que cherche-t-il finalement? Jusqu'où cette addiction le conduira-t-il ? Ce sont les éléments qui peuvent tenir en éveil un lecteur lambda, pour qui cette sexualité, narrée au plus précis ( bruit, merde sur les préservatifs, culs pas lavés, lavements, ...) , peut toutefois lasser, au pire révulser.
Mais il s'agit d'un journal, d'une vie, exposée côté sexe, sans que finalement se soit réellement impudique. On ne sait pas grand chose ( pour le moment) de l'auteur, de ce qui fait sa personnalité ( le terreau de l'enfance, ses lectures, son travail, ...), même si ce qu'il écrit, il n'oserait pas le dire à son analyste (dixit). On sait comment il baise, mais reste quand même pudique sur plein d'autres choses. On a bien sûr l'impression du gay qui parle aux gays, certes un gay qui a une plume, du style, ce qui fait qu'un hétéro, un asexuel, un trans, peut tout à fait trouver de l'intérêt dans ce qui demeure un gros morceau qui risque d'avoir du mal à passer sur toute la longueur. D'où une lecture morcelée...
Peuvent venir des questions aussi ...Est-ce de l'exhibitionnisme? De l'autosatisfaction ? Du mercantilisme ? De la littérature ? Un peu trop tôt pour le dire. Je trouve l'initiative gonflée, documentaire, sociologiquement intéressante et sans doute honnête. Beaucoup seront ou choqués ou agacés par ce journal. L'époque redevient prude et si certains sont dérangés, c'est sans doute que cela atteint un point sensible. C'est bien d'être bousculé plutôt que de se vautrer dans de la feelgood littérature ( une pornographie cérébrale ).
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